Virage sur l’aile de Jean-Marc Ayrault. Alors qu’il se contentait de répéter que la TVA serait augmentée au 1er janvier, le voilà qui annonce la « remise à plat » fiscale. Cela ressemble plus à une turbulence qu’à un changement de cap. Rarement un chantier de cette importance aura été lancé dans une telle confusion. La cause en est simple. Hollande, après qu’on l’ait vu s’occuper en direct à la télévision des conditions du retour de Leonarda, reste obstinément silencieux sur ce qui fut sa promesse centrale depuis la primaire socialiste. Cahuzac s’engouffra dans ce mutisme béant en annonçant que la grande réforme fiscale promise par Hollande était achevée. Moscovici souffla ensuite sur les braises du « ras-le-bol fiscal ». Hollande promit la pause pour 2014, Ayrault le contredit en parlant de 2015. Un nouveau palier dans le désordre balaya ces controverses quand la pause fit place à ce grand chambardement. Pour 2015 annonce Ayrault. Ça prendra le temps du quinquennat corrige Hollande en déplacement en Italie. Qui croire ? Si c’est le chantier du quinquennat, c’est à Hollande d’annoncer ses intentions plutôt qu’au sursitaire de Matignon.
Le chaos est au pouvoir. Après que des élus PS aient réclamé publiquement sa tête, Ayrault cherche sans doute un sursis en s’installant comme pilote d’une réforme au long cours. Qu’en penser pour ce qui nous intéresse, l’indispensable révolution fiscale ? D’abord les orientations de l’exécutif sont toujours floues et parfois très inquiétantes. Hollande a déclaré que l’un des objectifs de la réforme devait être la compétitivité, synonyme dans sa vision étroite de baisse de la contribution des entreprises, notamment les grosses tournées vers les marchés étrangers. Moscovici avait déjà promis au MEDEF de futures baisses de cotisations patronales. Le gouvernement lorgne notamment sur les prestations familiales, financées exclusivement par les cotisations des employeurs, qu’il a commencé à rogner. De tels projets, de même qu’un changement du mode de financement de la protection sociale, expliquerait pourquoi la réforme commence par des entretiens avec les organisations patronales et les syndicats de salariés.
Ensuite, la méthode d’Ayrault recèle une arnaque fondamentale. La position des organisations syndicales et professionnelles sur les questions fiscales est connue. C’est un sujet sur lequel elles ne manquent pas de propositions… contradictoires. Les syndicats salariés récusent ainsi unanimement la hausse de la TVA, comme l’Union Professionnelle des Artisans. Le MEDEF la promeut de longue date. Les syndicats salariés plaident pour une augmentation des cotisations patronales. Le MEDEF la refuse avec obstination. Ce n’est pas surprenant : dans le partage des richesses, il n’y a pas d’accord « gagnant-gagnant », il y a le résultat de la lutte et du rapport de forces. Le gouvernement ne peut donc se contenter de faire la synthèse d’un tour de table. Il doit s’engager d’un côté ou de l’autre et ne peut le faire qu’au nom de l’intérêt général. S’il se tait ou multiplie les messages opposés, nous savons ce qu’il a fait jusqu’ici. Sur les retraites, il a satisfait le MEDEF. Sur la TVA aussi. Contrairement dans les deux cas aux promesses faites aux Français.
Il est significatif que le pouvoir prétende ouvrir un chantier aussi brûlant en dénonçant la mobilisation du Front de gauche le 1er décembre mais en s’accommodant de celles organisées par les secteurs patronaux. Ce sont des organisateurs de défaites. En marchant sur Bercy dimanche, nous ne commettrons pas la bêtise de contempler leur déroute.
François Delapierre, conseiller régional Front de Gauche en Essonne, secrétaire national du Parti de Gauche