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Partenariats public-privé : Plus chers, moins performants, antidémocratiques

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Depuis dix ans, le recours aux partenariats public-privé (PPP) explose. Ces contrats permettent à la puissance publique, notamment les collectivités territoriales, de confier à un opérateur privé le financement, la construction et l’exploitation d’un équipement pour une durée déterminée. Les élections municipales sont l’occasion de lancer une offensive contre cette capture par les grands trusts d’investissements essentiels pour la vie quotidienne. Présentés comme la preuve de l’efficacité supérieure de l’initiative privée sur l’intervention publique, les PPP démontrent en fait le contraire.

Précarité et mauvaise qualité

Les PPP conduisent tout d’abord à une moindre qualité. Pour les salariés, ils accroissent les inégalités. La personne publique recourt à des consultants, les mêmes qui travaillent à construire l’offre des groupements privés, d’où une rente pour les consultants employés par les deux parties. On voit petit à petit une imposition « douce » des méthodes du management privé et des conditions de travail dégradées qui vont avec. La rémunération exorbitante d’experts financiers et juridiques impose (à budget constant) une précarisation du personnel d’entretien. C’est la fin de l’échelle des salaires resserrée de la fonction publique.

Les usagers sont aussi perdants. L’organisation en flux tendu avec des ressources limitées (pour accroître les profits), produit des services de qualité réduite. Dans le cas de l’université Paris-Diderot, par exemple, premier PPP de cette ampleur dans l’enseignement supérieur, le tribunal administratif a déclaré la moitié des bâtiments inaptes à l’accueil du public, car Vinci s’est affranchi des règles de sécurité incendie. Bilan, ce défaut de qualité dans des bâtiments déjà occupés par les étudiants va entraîner des délais et des travaux presque aux seuls frais de l’université.

Un coût plus important

Et c’est la source du deuxième échec des PPP : selon la Cour des Comptes (2008), ils demeurent beaucoup plus chers au final, notamment car la dépense est étalée sur plusieurs années. Voilà où conduit l’idéologie hostile à l’endettement public : ne pas emprunter de somme élevée à court-terme amène à payer bien plus au final en cachant le prix réel. L’effet-prix réapparaît au niveau de l’emprunt, plus cher pour de nombreux groupes privés que pour l’Etat, la différence étant supportée par les contribuables. Confier ces travaux à divers groupes privés empêche enfin les économies d’échelle que permettent des équipements standards nationaux.

Les attentes de la puissance publique sont souvent ignorées en phase de conception, alors qu’au bout de la chaîne de production, c’est elle qui supporte les coûts et les risques de défaillance. Ainsi, le PPP du centre Hospitalier Sud Francilien a cumulé un retard de huit mois et 8000 erreurs de construction. Pourtant, ces défaillances, imputables à Eiffage, seront à la charge de la collectivité avec une réévaluation à la hausse des loyers et un surcoût de 100 millions d’euros pour des travaux non prévus dans le contrat originaire : le PPP empêche toute flexibilité et toute adaptation du service, puisque la puissance publique passe un contrat, et doit payer toute modification si le contexte change ! En plus du contribuable, l’usager est aussi pénalisé par ces projets qui répondent aux logiques financières avant les besoins humains concrets. L’hôpital de Jossigny en Seine-et-Marne a confié son parking pour 30 ans à la société Vinci, qui impose un stationnement payant à tous les usagers. Ainsi, aller à l’hôpital ou rendre visite à un proche – rappelons que les plus pauvres sont plus touchés par les problèmes de santé ! – oblige à payer un groupe privé. Il s’agit donc ni plus ni moins que de racket organisé.

PPP ou   écosocialisme !

En juillet 2012, l’association Nord Écologie Conseil   a porté plainte contre X pour « pollution de nappe phréatique ».   Elle vise le déversement par Elisa, filiale du groupe Eiffage, de plus de   60.000 tonnes de cendres volantes dans les galeries souterraines situées   en-dessous du chantier… qui menacent d’entrer en contact avec la nappe   phréatique : en plus des usagers, des salariés, des contribuables et des   électeurs, la loi du profit menace aussi les générations futures !

Non à la finance !

Les PPP promeuvent la financiarisation de l’économie et la rente. Les services publics deviennent de simples actifs dans des portefeuilles d’action : ils doivent rapporter des dividendes. Le marché du PPP est, de par ses procédures, oligopolistique : 3 trusts se répartissent 92% des grands projets (Vinci, Bouygues et Eiffage), d’où des suspicions d’ententes, corruption, favoritisme…

Enfin, les PPP sont une des exigences austéritaires fondamentales de l’Union européenne : « les partenariats public-privé peuvent aider les autorités publiques à créer de l’emploi en continuant à investir dans le futur, tandis que nous mettons en œuvre des stratégies de sortie visant à ramener les finances publiques à l’équilibre. (…) Nous souhaitons que les autorités publiques utilisent davantage et plus efficacement les PPP.» (Barroso, 2009). L’Union européenne soutient obsessionnellement ce mode de financement dans l’intérêt des grands groupes privés !

Ainsi, aux municipales, contre les PPP nous disons : les services publics doivent être démocratiques, efficaces, et peu chers. La municipalisation, c’est automatique !

L’écotaxe

Le PPP choisi pour récolter l’écotaxe est le plus   cher jamais signé par l’Etat français : 3,2 milliards d’euros versés sur   13 ans à la société « Ecomouv » (détenue à 70% par une entreprise   italienne d’autoroutes, Autostrade). Le contrat qui lie l’Etat à la société   italienne demeure confidentiel. Le coût de la collecte par Ecomouv est estimé   à 20% des recettes de la taxe (240 millions) versés chaque année à   Ecomouv : vingt fois plus que le coût moyen de recouvrement de l’impôt   en France. De plus les services des douanes seront chargés de poursuivre les   contrevenants, au frais de l’Etat. L’écotaxe devait être mise en place dès   avril 2013 mais Ecomouv n’était pas prête ! En négation de tous les   principes républicains, l’écotaxe signe le retour à la « ferme   générale », la perception de l’impôt par un acteur privé, abolie par la   révolution de 1789.

Le PPP a subi une procédure pour corruption :   le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait cassé l’appel d’offre   confiant le marché à la société Ecomouv à la suite d’un signalement au   service central de prévention de la corruption fait par Pierre Chassigneux,   ex-président de la SANEF – société française en lice pour le contrat. En   effet, dans ce PPP, le cabinet Rapp Trans, conseiller de l’Etat, était aussi   conseiller d’Autostrade…. Mais Thierry Mariani, alors ministre des   transports, a fait appel de la décision du tribunal et obtenu satisfaction au   Conseil d’Etat. Pierre Chassigneux a subi des pressions et a été remplacé par   Alain Minc à la tête de la SANEF.

 

Nicolas Conti, Mathilde Panot, Hadrien Toucel