La droite européenne a son modèle : l’Allemagne. Angela Merkel sort confortée des élections de dimanche. Après deux mandats, elle fait progresser fortement la CDU-CSU. Le paradoxe de sa démonstration est qu’il s’agit d’une exception allemande non exportable. Ailleurs, les politiques austéritaires imposées par la chancelière créent à ses propres collègues conservateurs les pires difficultés. En Espagne et en Grèce, les amis politiques de Merkel sont dans la panade et pestent contre l’intransigeance de leur mentor. Quant à Sarkozy, il s’est fait congédier après un mandat. Seuls les médiacrates qui échappent à la sanction du suffrage universel peuvent continuer sans dommages à vanter le « modèle allemand », en faisant mine d’oublier que l’économie d’exportation n’est par définition pas un modèle puisqu’elle n’est pas généralisable.
Depuis presque deux siècles, l’Allemagne était au contraire le pays de référence de la sociale-démocratie. Le SPD, qui fêta cette année son 150e anniversaire en présence de Merkel et Hollande, est en effet le premier parti social-démocrate, le plus puissant et organisé. Le voilà en charpie. Dimanche il ne fit guère plus que son plus bas historique de 2009. Un échec aussi cuisant ne peut s’expliquer par la seule « équation personnelle » du candidat à la chancellerie Peer Steinbrück. Il confirme l’impasse du projet social-démocrate.
Peer Steinbrück fit mine d’appliquer la vieille stratégie consistant à négocier des compromis sociaux avec le capital. Il fut si proche des capitalistes dominants, les financiers, qu’ils le rémunérèrent grassement pour ses conférences. Steinbrück sauta donc l’étape du Bourget et afficha directement son amitié avec la finance. Ce fut le premier acte de sa déroute électorale. Puis le SPD continua de payer les politiques libérales impulsées par Schröder. L’ancien chancelier qui retarda l’âge de la retraite à 67 ans et encouragea l’explosion de la pauvreté par ses réformes du marché du travail, est un héritage encombrant. Un ange passa d’ailleurs quand Hollande lui rendit hommage lors des 150 ans du SPD alors que les dirigeants du SPD, refusant de le désavouer, préféraient le cacher sous le tapis.
Incapable de constituer une majorité, même relative, pour passer en tête, le SPD avait comme seul salut la constitution d’une coalition alternative. Là encore son orientation sociale-démocrate y fit obstacle. Le dogme de la croissance vue comme le préalable du progrès social éloigne idéologiquement le SPD des quelques écologistes qui ne sont pas gagnés aux thèses du capitalisme vert. Le ralliement aux politiques dictées par la finance rend impossible tout accord avec Die Linke. A peine les premières projections affichaient une majorité SPD-Die Linke-Verts, Steinbruck rejeta d’ailleurs ce scénario, répétant une position exprimée pendant la campagne. Et finissant d’ouvrir la voie à Merkel.
Hollande aussi a écarté toute majorité alternative en adoubant dans un communiqué officiel dimanche la chancelière sortante. L’ANI, sa réforme des retraites et son atlantisme en faisaient déjà l’héritier de Schröder. Il partage sa capacité à diviser la gauche et son aveuglement sur l’urgence écologique. La conclusion de la conférence environnementale samedi ne célèbre-t-elle pas la compétitivité des entreprises, faisant roucouler le MEDEF ? Au nom du « modèle allemand », Hollande embrasse à pleine bouche le capitalisme vert. La grande coalition entre Merkel et les sociaux-démocrates allemands ne serait donc pas une aberration. Elle existe déjà par-delà la frontière.
François Delapierre, Secrétaire national du Parti de Gauche