Le 26 septembre 1815 les empereurs d’Autriche et de Russie et le roi de Prusse créent à Paris la Sainte Alliance. L’objectif de cet attelage réactionnaire, auquel sera associé en 1818 la France de Louis XVIII, est de maintenir en Europe l’ « ordre providentiel » ébranlé par la Révolution française et rétabli lors du Congrès de Vienne de juin 1815. Son bras armé est la « quadruple alliance » conclue en novembre 1815 entre ces trois puissances et le Royaume-Uni, qui sera élargie à la France en 1818.
Sur le plan géopolitique, ces accords inaugurent le « Concert européen » destiné à éviter les conflits entre grandes puissances. Mais l’essentiel est ailleurs. Après avoir d’abord œuvré à la Restauration en France, cette alliance impulsera, au nom du « droit d’intervention si la situation intérieure d’un État menace la paix de ses voisins », la répression de toute velléité politique des peuples. C’est dans ce cadre que sera lancée en 1823 l’expédition d’Espagne destinée à rétablir Ferdinand VII, confronté à une révolte, dans la plénitude de ses pouvoirs. D’autres interventions seront opérées en Pologne, Italie etc.
La Sainte Alliance au sens strict ne durera pas au-delà de 1825. Mais sa philosophie continuera bien au-delà à imprégner l’ordre européen. En 1848, c’est sur cette base que les aspirations nationales et révolutionnaires du Printemps des Peuples seront écrasées aux quatre coins de l’Europe. La « paix européenne » qui marquera une grande partie du 19e siècle aura donc eu pour envers ces guerres aux peuples osant se réclamer des principes de la Grande Révolution.
Cette période nous rappelle que l’intégration des puissances européennes a été très tôt pratiquée sur un mode réactionnaire. Toutes choses égales par ailleurs, l’idéologie qui a dès le départ imprégné les oligarques qui ont construit l’Union européenne, sous la tutelle des Etats-Unis, n’a pas beaucoup évolué. Unis dans la défense d’un ordre néolibéral providentiel, ils opposent, face à une Europe politique des peuples souverains, l’Europe de la « bonne gouvernance » des financiers-technocrates. Pour combien de temps ?
Théophyle Malo