«

»

Entretien de Jean-Luc Mélenchon à Place au peuple

jlm_estivales

Pour la deuxième fois consécutive, signe de sa vitalité, le Front de Gauche organise des Estivales les 23 et 24 août à Grenoble. La plupart des formations tiendront leurs universités propres à proximité pour ensuite faire front, ensemble, lors de ce rendez-vous à Grenoble. Il est donc à nouveau fondamental de se retrouver aux Estivales à quelques mois des élections européennes ?

Jean-Luc Mélenchon : Evidemment qu’il est important de se retrouver dans des estivales !

Je crois que cela fait partie de ces merveilles du Front de Gauche auxquelles on n’est pas assez attentifs. L’existence-même du Front de Gauche depuis maintenant 2009, donc depuis 4 ans, est très courte dans l’histoire politique. Pour autant, il a franchi victorieusement toutes les étapes et tous les défis qu’il avait à relever. Nous sommes neuf organisations différentes ! En quatre ans, le Front s’est élargi d’une manière spectaculaire, puisque nous l’avons commencé en 2009 à deux partis, le PCF et le PG. Puis est arrivée la Gauche Unitaire qui était une première scission du NPA, qui a été suivie ensuite au fil du temps de 3 autres scissions supplémentaires qui nous rejoignaient. La FASE, le PCOF, les Alternatifs aussi ont intégré le front au fur et à mesure des garanties de viabilité qu’il donnait et des succès qu’il remportait : le premier étant fondateur, celui des élections européennes de 2009. Ainsi, la diversité des cultures de référence dans nos rangs est considérable. Il ne faut pas la sous-estimer. Il ne faut pas sous-estimer ce qui peut séparer, du point de vue de la doctrine, le Parti Communiste des Ouvriers de France de République et Socialisme, pour prendre deux exemples qui me semblent bon à mettre en parallèle. Et même, cela n’empêche rien. Et même souvent cela permet beaucoup d’audace.

En 2014, nous allons nous trouver de nouveau au début d’un cycle politique déterminé par la façon avec laquelle les peuples répondront à la question européenne. Ce sera fondateur une nouvelle fois. 2009, c’était l’écho lointain, mais le premier écho suivant le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel. Car, c’est en 2005 que notre gauche s’est avancée sur la scène, qu’elle a commencé à se donner à voir comme un tout cohérent politiquement autour d’un objet commun qui était le vote « non » à l’Europe libérale. Bien sûr, cette autre gauche existait avant. Mais en 2005, elle va pour la première fois unie à la rencontre du suffrage universel et elle s’inscrit dans une logique qui devient majoritaire. A partir de 2009, nous travaillons à ce que cette majorité qui est apparue en 2005 prenne un contour politique, adopte un programme politique et entraîne la société française. Voilà notre défi. Le Front de Gauche porte un projet à vocation majoritaire.

Depuis 2009 et la fondation du Front de Gauche, nous avons, étape par étape et à chaque pas, vérifié la force de notre alliance et son opportunité politique. Beaucoup de gens ne savent pas cela. Quand nous avons commencé le Front de Gauche, les communistes mettaient un S à Front-s et pas nous. Ainsi, pour eux, il aurait fallu faire des fronts de gauche à chaque élection alors que nous, nous voulions faire un parti unique. Pour finir, ni l’un ni l’autre n’a eu raison. La vie a tranché, un parti unique n’a pas de sens. La formule de la coalition que nous vivons est bien plus efficace et d’un autre côté, il n’y aura pas des fronts remis en cause à chaque élection. Il n’y en a qu’un. Nos congrès respectifs ont validé cette démarche. Il a une structure permanente, la coordination, qui se réunit d’ailleurs au siège du Parti Communiste tous les lundis. Pour autant, ne sous-estimons à aucun moment le fait que nous sommes une formation récente, que nous sommes fragiles et que « ça ne marche que si ça marche » comme dit Oskar Lafontaine. Comme la bicyclette, ça ne marche que si ça avance. À partir du moment où cela arrête d’avancer, ça tombe. Et n’oublions pas que nous ne sommes pas entourés d’amis. Tout au contraire. Pour le système nous sommes la mauvaise nouvelle qui trouble le ronron de l’alternance face au Front national. Notre vocation majoritaire ne fait pas sourire autant que le croient les blasés et les aigris. Ainsi le Parti Socialiste s’emploie en permanence à chercher les failles entre nous, sans oublier sa presse et ses réseaux d’influence qui mènent une campagne de dénigrement permanent pour créer un pare-feu, protéger l’avance du FN et mettre la pression sur les plus fragiles des membres du Front de gauche.

Et les Estivales s’inscrivent dans cette séquence de construction politique ?

Oui, c’est dans cette chaîne d’événements que prennent place les Estivales. Les Estivales correspondent à ce qui, chez les autres, s’appelle une université d’été. C’est un rite qu’ont pratiquement tous les partis français. Mais ils l’ont pour leur propre compte, il n’existe aucun cas d’une structure collective comme le Front de Gauche tenant une réunion de fin d’été. Le PS réuni ses barons à La Rochelle mais les MRC et le MUP de Robert Hue n’y ont droit qu’à des strapontins de commensaux. Nous, nous préparons et menons tout en collectif. La première fois, nous étions un peu tâtonnants. On avait déjà le schéma en tête, en tout cas au Parti de Gauche on le voyait comme cela. Chacun tenait son université d’été, parce que chacun a besoin de son propre temps de rencontre, spécifique à ses propres adhérents et ensuite on faisait une mise en commun. Et comme toujours dans le Front de Gauche, les choses se sont réglées pragmatiquement, par le consentement de la base au sommet. J’insiste sur cette idée. Les communistes, pour prendre cet exemple, se sont intégrés au Front de Gauche et l’ont pleinement assimilé en tant que structure collective tout comme nous, le Parti de Gauche, au fur et à mesure, par des délibérations de leurs adhérents. À la sortie des élections européennes de 2009, la première rencontre suivante avec le suffrage universel, c’était les élections régionales. Beaucoup disaient qu’une majorité de régions communistes préféreraient faire une alliance avec le Parti Socialiste plutôt que de maintenir le cadre autonome du Front de Gauche. Ce n’est pas cela qui s’est passé. Pourquoi ? Parce que les adhérents communistes ont voté, il ne faut jamais perdre de vue cette dimension démocratique du Front de gauche. Et la même chose s’est produite au Parti de Gauche en dépit du fait que les accords minoraient partout sa place. Il ne faut pas passer à côté des difficultés que nous avons surmontées. Il y a eu des difficultés dans l’attelage qu’est le Front de Gauche et à chaque fois elles ont été surmontées par le vote des adhérents qui ont collectivement décidé que l’on continuait le Front de Gauche, qu’on le nourrissait, qu’on l’amplifiait. Le Front de Gauche n’est certes pas un parti unifié mais il n’en est pas moins une structure confédérale qui a un régime démocratique interne. Dans les faits, ce sont nos adhérents respectifs qui décident l’orientation.

Lire la suite sur Place au peuple !

Lien vers l’article original