Lors de la séance de Septembre 2012, le Parlement européen avait voté une première fois sur le fameux « two-pack », sorte de retranscription législative du traité Merkozy et du traité instituant le Mécanisme européen de Stabilité (MES). Il n’y avait cependant pas eu de vote final sur les deux propositions de règlements qui le composent, les rapporteurs ayant demandé à poursuivre les négociations avec le Conseil et la Commission (ce qu’on appelle le « trilogue » dans le jargon parlementaire).
Le trilogue s’est terminé le 20 Février 2013. Les députés de la commission parlementaire concernée n’ont cependant eu accès aux documents, en bon « globish » que 5 jours plus tard. Quant à la version française, il aura fallu attendre le 4 Mars pour en disposer dans une version non certifiée. Nous n’avons toujours rien reçu de certifié à ce jour d’ailleurs!
Vous trouverez ci-dessous une analyse détaillée des différentes étapes de rédaction de ces deux règlements austéritaires.
L’analyse prend la forme suivante pour chacun des deux textes:
I. Le but du projet de règlement
II. la position sur laquelle s’était accordée la majorité du Parlement européen, sociaux-démocrates compris, en Septembre 2012
III. mon intervention en séance à propos du texte amendé
IV. le résultat du trilogue
V. mon intervention en séance sur le texte final
Règlement numéro 1 :
Un carcan austéritaire pour les Etats déjà sous le coup d’un programme de la Troïka
I. Le but du règlement proposé par la Commission européenne
Il s’agit d’entériner dans un règlement européen (transposition telle quel le obligatoire) les conditions de fonctionnement qui entourent l’élaboration, la mise en place et la surveillance des plans UE-FMI d’ores et déjà appliqués à la Grèce, l’Irlande et au Portugal.
II. Les points clés de la proposition de la Commission
1. Mise en place automatique d’une surveillance accrue de la Commission sur des Etats qui
– risquent une situation financière grave et devraient recevoir une assistance financière
– ont reçu une assistance financière « de précaution » liée à un programme d’ajustement partiel (assistance financière provenant d’un ou plusieurs Etats membres, du Fonds européen de stabilité financière, du Mécanisme européen de stabilité financière, d’une institution financière internationale « comme le FMI » )
– ont reçu une assistance financière liée à un programme d’ajustement complet comme en Grèce ou en Irlande assistance financière provenant d’un ou plusieurs Etats membres, du Fonds européen de stabilité financière, du Mécanisme européen de stabilité financière, d’une institution financière internationale « comme le FMI »)
A noter: l’Etat concerné n’aura le droit que de donner son point de vue sur le sujet. La Commission pourra quant à elle décider de prolonger son mandat de surveillance renforcée tous les 6 mois.
2. A la demande de la Commission, les Etats sous surveillance accrue devront
– transmettre les informations sur les institutions financières qui sont sous la surveillance de superviseurs nationaux
– mettre en place des stress test et des analyses sur le secteur bancaire, le tout sous le contrôle de la BCE et en faire un rapport détaillé
– suivre les avis de l’autorité bancaire de surveillance (agence liée à la Commission) sur son système bancaire
– communiquer toute information sur sa gestion des déséquilibres macroéconomiques
3. La BCE et la Commission enverront des experts contrôler l’application des mesures
4. Le Conseil peut décider de « recommander » à un Etat de « demander » une assistance financière (c’est-à-dire d’appliquer un programme d’austérité drastique en échange d’un prêt)
– Cette décision est prise à la majorité qualifiée, sur rapport de la Commission,
– Cette recommandation est rendue publique.
5. Programmes d’ajustement:
– quelle que soit l’origine de l’assistance financière reçue (autres Etats membres, FESF, MESF, FMI) l’Etat doit négocier un programme d’ajustement avec la Commission et la BCE
– le programme est préparé par la BCE, la Commission et le FMI « lorsque que cela est possible »
– les Etats membres de la zone euro adoptent le programme d’ajustement à la majorité qualifiée de ses membres (pas de droit de veto possible pour sauver un autre Etat de la cure d’austérité. pas de droit de vote de l’Etat concerné)
– La Commission et la BCE surveillent l’application du programme et négocient avec l’Etat concerné les modifications à y apporter
– Le Conseil adopte les modifications à apporter à la majorité qualifiée
6. La surveillance accrue dure jusqu’à ce que l’Etat concerné ait remboursé 75% de l’assistance financière qu’il a reçue d’un ou d’autres Etat-s membre-s, du FESF ou du MESF (rien n’est dit pour les aides du seul FMI).
– Les missions des experts de la Commission et de la BCE sont maintenues.
– Le Conseil peut encore recommander à l’Etat de prendre des mesures d’ajustement (vote à la majorité qualifiée, une fois de plus)
7. Si un Etat sous le coup d’un programme d’ajustement ne remplit pas les conditions de ce dernier, les octrois de fonds structurels de l’UE vers cet Etat seront suspendus
Ce règlement entrera en vigueur 20 jours après sa publication au journal officiel de l’UE. Le commissaire Olli Rehn a annoncé lors de la conférence de presse de présentation du nouveau « paquet » qu’il en ferait usage « dès le premier jour de son entrée en vigueur »…
III. Les amendements proposés par le Parlement européen en Septembre 2012
• De bonnes intentions
Permettre de restreindre la liberté de circulation des capitaux notamment pour lutter contre l’évasion fiscale:
-rappelle que la libre circulation des capitaux « peut être restreinte par des législations nationales si cette restriction est motivée par des raisons d’ordre public. Ces motifs peuvent inclure la lutte contre l’évasion fiscale, notamment pour les États membres qui connaissent ou qui risquent de connaître de graves difficultés du point de vue de leur stabilité financière dans la zone euro »
-rappelle que « le Conseil peut autoriser des restrictions vis-à-vis de pays tiers responsables de mouvements de capitaux provoquant de sérieuses difficultés pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire »
Prendre en compte les partenaires sociaux dans la préparation de l’austérité…:
-demande d’« impliquer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile dans la préparation, la mise en œuvre, le contrôle et l’évaluation des programmes d’assistance technique »
Ne pas faire de chantage au versement de fonds européens:
-supprime » la suspension des paiements ou engagements des fonds de l’Union » prévue par la Commission dans les cas où un Etat ne remplit pas les conditions prévues pare la troïka
Mais pas besoin de faire du chantage: de fait, un Etat saigné par la Troïka ne peut pas cofinancer les projets que financent en partie ces fonds ce qui revient à une suspension
Geler pour un moment les intérêts que l’Etat en faillite paie aux banques:
-propose que la Commission puisse placer temporairement un Etat « sous protection juridique », c’est-à-dire à geler les taux d’intérêts de la dette d’un Etat qui ne parvient plus à payer sa dette. Le Conseil pourrait abroger cette décision de la Commission à la majorité qualifiée
Mais attention! Il y a des conditions à cela:
-les nouveaux prêts consentis à l’État membre par des organismes privés « doivent être remboursés en priorité »
-l’Etat membre devra mettre en œuvre strictement les mesures demandées par la Commission et autres institutions financières
Et attention! Cette « protection juridique » ne sera pas mise en œuvre avant… 2017!
• Des amendements plus nuisibles que la proposition
Le Parlement en faire valoir du FMI:
–demande la présence du FMI « le cas échéant » dans les missions d’évaluation de la Commission et de la BCE dans les Etats membres mis sous surveillance renforcée et dans la préparation des plans d’austérité liés à une « assistance financière »
-insiste sur la collaboration de la Commission avec « d’autres institutions européennes et/ou internationales pertinentes »(comprenez principalement le FMI) pour l' »assistance technique » à la mise en œuvre des plans d’austérité
Le Parlement propose de donner plus de pouvoirs à la Commission européenne:
-demande que les programmes d’ajustement ne soient plus adoptés par le Conseil mais par la Commission et que le Conseil ne puisse plus l’abroger dans un délai de 10 jours à la majorité qualifiée (il s’agit donc d’appliquer la majorité inversée à tous les plans d’austérité, y compris les plus drastiques: ceux qui sont liés à une assistance financière!)
-propose la même chose pour les réajustements de ces plans d’austérité liés à une assistance financière!
Le Parlement propose d’achever les Etats membres déjà sous le coup d’un plan d’austérité:
-demande que le règlement s’applique aux États membres faisant déjà l’objet d’un « programme d’assistance » à la date de l’entrée en vigueur du règlement
IV. Mon intervention en séance à l’époque
Ce rapport aggrave les dispositions prévues dans le 6 pack et dans le traité MES en cours de ratification. Il donne à la Commission européenne, organe non élu, le pouvoir de placer tout Etat membre de la zone euro sous le coup de plans d’austérité et de missions de surveillance dont elle seule décidera. Le Conseil ne pourra abroger ces décisions que s’il le décide sous 10 jours à la majorité qualifiée prévue. Le texte fixe aussi les contours des plans d’ajustement à venir. Ils devront en outre promouvoir la libre concurrence notamment dans le domaine des marchés publics. Pour combler le tout ce texte s’appliquerait aux Etats d’ores et déjà sous le coup d’une « assistance financière » et modifie donc les conditions auxquelles ces Etats pourront se libérer de la tutelle de la troïka. Quant à la « protection juridique » mise en avant, elle ne serait effective qu’à partir de 2017 et consacrerait le remboursement des intérêts de la dette des Etats sans condition de légitimité. Je vote contre ce texte et le dénonce.
V. Où en est-on aujourd’hui?
Suite à un long trilogue (négociations Commission, Parlement, Conseil), le texte est revenu modifié sur nos tables de députés. Voici l’essentiel des modifications subies par le règlement entre le vote du Parlement européen en Septembre 2012 et sa version actuelle.
• Quelques amendements présentés comme positifs (écrans de fumée)
Contrôler un peu les activités des banques qu’on renfloue avec de l’argent public:
-« Les États membres placés sous une surveillance renforcée ou faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique qui bénéficient d’une aide financière pour la recapitalisation de leurs établissements financiers informent deux fois l’an le CEF des conditions imposées à ces établissements financiers, y compris en ce qui concerne la rémunération des dirigeants. Les États membres communiquent les conditions de crédit proposées par le secteur financier à l’économie réelle »
Bref: le mythe libéral de la « transparence », prétexte à tous les abus du « laisser-faire ». Tout cela ne changera rien aux faits.
Donner à la Commission le droit de réduire les amendes qu’elle impose (grande avancée…):
-« La Commission peut recommander de réduire ou de supprimer les dépôts ne portant pas intérêt ou amendes décidés par le Conseil dans le cadre des mesures préventives ou correctrices du pacte de stabilité et de croissance pour un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique en raison de circonstances économiques exceptionnelles ».
• Maintien de certaines « bonnes intentions » du Parlement européen
Prendre en compte les partenaires sociaux dans la préparation de l’austérité…:
-« Dans le respect des règles et pratiques en vigueur au niveau national, les États membres devraient associer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à la préparation, à la mise en œuvre, au contrôle et à l’évaluation des programmes d’assistance financière. »
Faire semblant de respecter les pratiques salariales d’un Etat
-« Dans le cadre de l’application du présent règlement, la Commission, le Conseil et les États membres se conforment pleinement à l’article 152 du traité et les recommandations adoptées au titre du présent règlement respectent les pratiques et les institutions nationales en matière de formation des salaires. Dans le cadre de l’application du présent règlement et des recommandations adoptées en vertu de celui-ci, la Commission, le Conseil et les États membres tiennent compte de l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, en conséquence, leur application n’affecte pas le droit de négocier, de conclure et d’appliquer des conventions collectives et de mener des actions collectives conformément aux législations et aux pratiques nationales. »
-« Le programme d’ajustement macroéconomique respecte les pratiques et les institutions nationales en matière de formation des salaires »
Dans les faits cette disposition ne veut rien dire: en cas d’accord d’augmentation de salaire dans la fonction publique, le plan d’austérité l’interdirait et les négociations salariales sont aujourd’hui largement soumise au dogme des accords par entreprises prévus dans le Pacte pour l’Euro plus et dans le Semestre européen.
Ne pas faire de chantage au versement de fonds européens:
– La suppression du paragraphe suivant est conservée: « Une décision constatant qu’un État membre ne se conforme pas à son programme d’ajustement entraînerait également la suspension des paiements ou engagements des fonds de l’Union prévus par l’article 21, paragraphe 6, du règlement (UE) nº XXX portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche relevant du cadre stratégique commun, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) nº 1083/2006,«
Rappel: pas besoin de faire du chantage car de fait, un Etat saigné par la Troïka ne peut pas cofinancer les projets que financent en partie ces fonds ce qui revient à une suspension
• Des amendements nuisibles
La surveillance renforcée pour tous:
-Ce n’est plus seulement lorsqu’un Etat fait appel à une assistance financière qu’il peut être mis sous surveillance renforcée. Désormais ‘la Commission peut décider de soumettre à une surveillance renforcée un État membre confronté à de sérieuses difficultés du point de vue de sa stabilité financière qui sont susceptibles d’avoir des retombées négatives sur d’autres États membres de la zone euro »
-Suivant quels critères pourra-t-on être mis sous surveillance renforcée? Tout dépend » des conditions d’emprunt dont bénéficie l’État membre, de son profil de remboursement de la dette, de la solidité de son cadre budgétaire, de la viabilité à long terme de ses finances publiques, de l’importance de la charge de sa dette et du risque de contagion à sa situation budgétaire ou au secteur financier d’autres États membres qui découle de tensions graves dans son secteur financier »
Une véritable agression est donc possible contre n’importe quel Etat dont la politique ne convient pas à la Commission
Des plans d’austérité supplémentaires toujours possibles:
-Des plans d’austérité supplémentaires pourront être mis en œuvre dans le cas où la situation financière d’un Etat membre de la zone euro déjà soumis à une surveillance renforcée (du fait de ce règlement) avait des conséquences négatives non plus seulement sur la stabilité financière de l’ensemble de la zone euro mais d’un seul de ses États membres.
Exit les restrictions à la liberté de circulation des capitaux
– « Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la libre circulation des capitaux, en tant que principe fondamental énoncé par le TFUE, ne peut être restreinte par des législations nationales que si cette restriction est motivée par des raisons d’ordre public. Ces motifs peuvent inclure la lutte contre l’évasion fiscale, notamment pour les États membres qui connaissent ou qui risquent de connaître de graves difficultés du point de vue de leur stabilité financière dans la zone euro. »
Donc on permet l’évasion fiscale…
-« Sur proposition de la Commission, et après avoir consulté la Banque centrale européenne, le Conseil peut autoriser des restrictions vis-à-vis de pays tiers responsables de mouvements de capitaux provoquant de sérieuses difficultés pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire, conformément à l’article 66 du traité. »
Donc on laisse le champ libre aux spéculateurs…
Exit la possibilité de protection temporaire des Etats en proie à une crise financière
-« Dans certains cas, il peut arriver que le fait de protéger un État membre contre la volatilité des marchés donne un meilleur résultat à long terme lorsqu’il s’agit, pour celui-ci, de stabiliser sa situation économique ou d’être en mesure d’honorer sa dette. Dans pareil cas, un État membre pourrait être temporairement placé sous protection juridique, sur la base d’une décision de la Commission. Le Conseil devrait pouvoir abroger une telle décision de la Commission en statuant selon la règle de majorité applicable »
Bref: les fraudeurs du fisc et les spéculateurs peuvent continuer leurs complots pendant la crise financière d’un pays
VI. Mon intervention en séance sur le texte final
Le résultat du trilogue est à la hauteur de ce qu’on pouvait en attendre: au plus haut de l’austéritarisme. Il aggrave encore la proposition de la Commission en proposant de soumettre à une surveillance accrue tout « État membre confronté à de sérieuses difficultés du point de vue de sa stabilité financière » et non plus seulement ceux qui demandent une assistance financière. Tout juste peut-on apprécier le fait que les Etats ne se conformant aux plans d’austérité ne se voient plus supprimer les paiements des engagements de l’UE à leur égard. Pour le reste, les seules mesures austéritaires supprimées sont celles qui sont contenues dans le TSCG désormais en vigueur presque partout dans la zone Euro. La surveillance accrue de la Troïka jusqu’au remboursement des 75% de l’assistance financière octroyer et au-delà si nécessaire est elle aussi maintenue. Même la possibilité de prendre des mesures de sauvegarde vis-à-vis des « mouvements de capitaux vers et depuis des pays tiers qui provoquent, ou risquent de provoquer, de graves difficultés pour le fonctionnement de l’union économique et monétaire » n’a pas été retenue. Ce texte est une déclaration de guerre à la démocratie en vigueur dans nos pays. Je vote contre et je dénonce les innombrables abus de pouvoir qu’il institue.
Nous disposons désormais des noms des coupables. Il y en a beaucoup trop dans la partie gauche de l’hémicycle côté français: seuls les élus Front de Gauche ont voté contre!
Eurodéputés PS ayant voté pour: Andrieu, Berès, Cottigny, Désir, Guillaume, Hoang Ngoc, Pargneux, Thomas, Tirolien, Trautmann, Vergnaud, Weber (seule Castex s’est abstenue)
Eurodéputés EELV ayant voté pour: Alfonsi, Benarab-Attou, Besset, Bicep, Bove, Belier, Cohn-Bendit, Delli, Flautre, Greze, Jadot, Kiil-Nielsen, Rivasi, Zeribi
Règlement numéro 2 :
L’austérité pour tous les autres Etats et plus particulièrement les Etats en situation de déficit excessif
Le but
Le texte renforce le Semestre européen mis en place en 2010 et précise l’application du TSCG (le Traité Merkozy) par le biais d’une surveillance accrue des politiques de tous les Etats membres de la zone euro par la Commission européenne
Les propositions clés de la proposition de la Commission
1. Le contrôle total des budgets nationaux:
– Les Etats membres de la zone euro devront désormais tous présenter à la Commission leurs budgets tels qu’adoptés par les parlements nationaux au 15 Octobre de l’année précédent l’exercice budgétaire.
– Tout devra être absolument détaillé à la Commission (avec une tolérance: « la description peut être moins détaillée pour les mesures dont l’incidence budgétaire est estimée inférieure à 0,1 % du PIB »)
– La Commission se réserve le droit d’amender publiquement ce budget avant le 30 Novembre. Elle propose de venir présenter ses amendements devant les parlements nationaux.
– Attention! Si l’Etat membre et donc les députés décident de ne pas suivre l’avis de la Commission, celle-ci considérera que c’est un facteur aggravant au moment de décider ou non un pays sous le coup d’une procédure pour déficit excessif (ce qui suppose désormais des sanctions automatiques).
– Les budgets devraient tous être adoptés au plus tard le 31 Décembre.
2. Vers une harmonisation des règles budgétaires:
– Des règles d’équilibre budgétaire communes à tous les Etats membres de la zone euro devraient être adoptées et mise en œuvre de façon contraignante dans les Etats membres.
– La Commission demande qu’elles soient de préférence constitutionnalisées
– Il est par ailleurs demandé aux Etats membres de ne procéder à aucune réforme fiscale majeure sans avoir préalablement consulté la Commission et les autres Etats membres.
– Il est même demandé qu’un « Conseil budgétaire indépendant » soit mis en place dans chaque Etat pour assurer la mise en œuvre des règles budgétaires convenues au niveau européen.
3. La surveillance renforcée pour les Etats en situation de déficit excessif:
– Les Etats en situation de déficit excessifs sont ceux qui ont un déficit supérieur à 3% du PB (tous les Etats de l’UE sauf la Suède -non membre de la zone euro- et l’Estonie -membre de la zone euro- sont sous le coup d’une procédure de déficit excessif)
– Ils seront automatiquement sous le coup d’une surveillance rapprochée sans qu’il soit nécessaire de procéder à un votre au Conseil pour cela.
– Ils devront rendre des rapports réguliers sur leur exécution budgétaire.
– Ces rapports seraient rendus publics
– Si la Commission estime qu’il y a un risque qu’un Etat ne procède pas aux corrections nécessaires pour sortir de la situation de déficit excessif dans le temps qui lui a été imparti, elle rendra publique les recommandations qu’elle fait à cet Etat. L’Etat en question devra alors lui rendre rapport sur les mesures qu’il compte prendre. Ce rapport sera lui aussi rendu public.
– En cas de risque qu’un État membre ne respecte pas le délai fixé pour la correction de son déficit excessif, des mesures devront être prises « dans un délai déterminé » (comprenez sous peine de sanction)
Ce règlement entrera en vigueur 20 jours après sa publication au journal officiel de l’UE. Le commissaire Olli Rehn a annoncé lors de la conférence de presse de présentation du nouveau « paquet » qu’il en ferait usage « dès le premier jour de son entrée en vigueur« … Or ce règlement s’appliquera aux Etats faisant déjà l’objet d’une procédure pour déficit excessif, donc à la France
III. Les amendements proposés par le Parlement européen en Septembre 2012
• De bonnes intentions
Prendre en compte les partenaires sociaux dans la préparation de l’austérité…:
-demande aux Etats membres d’« impliquer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile dans la préparation, la mise en œuvre, le contrôle et l’évaluation des programmes d’assistance technique’
Refuser de publier certaines informations clés sur la dette des Etats
– précise que le règlement « n’affecte ni le droit de négocier, de conclure ou de faire exécuter des conventions collectives ni le droit de recourir à des actions collectives conformément aux législations et aux pratiques nationales »
– précise que « les questions liées au plan annuel d’émission de dette des États membres, comme les besoins financiers ou le renouvellement de dettes en cours, ne sont pas publiées »
L’idée est de ne pas donner de grain à moudre aux agences de notation et autres spéculateurs auxquelles le Parlement européen a déjà donner le droit d’agir comme bon leur semble
Parler de façon transparente de la croissance et de l’emploi… mais sans cadre précis
– demande l’inclusion dans les projets de budgets soumis à la Commission « une description des dépenses directement liées à la réalisation de la stratégie de l’Union pour la croissance et l’emploi, y compris les investissements publics, en même temps que la présentation des relations avec la réalisation des objectifs budgétaires à long terme, ainsi qu’une évaluation de l’impact social des mesures prévues dans le plan budgétaire »
– propose la mise en place d’une « Feuille de route pour un cadre de coordination des politiques économiques renforcé et pour une facilité pour la croissance » sur proposition de la Commission, sans que la date de cette proposition soit précisée
Reproposer le Pacte pour la croissance et pour l’emploi dont on n’a pas vu la couleur…
– propose que la Commission fasse une « proposition d’instrument pour la croissance durable dans la zone euro en vue de mobiliser environ 1% du PIB par an sur une période de dix ans, y compris au moyen d’une augmentation du capital de la BEI et d’emprunts obligataires pour le financement de projets, à investir dans des infrastructures européennes, notamment scientifiques et technologiques »
• Des amendements nuisibles
Demander toujours plus de détails sur les budgets des Etats
– demande que les projets de budget soumis par les Etats à la Commission » couvrent à la fois les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement et, à cette fin, des objectifs budgétaires clairs sont fixés pour les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement et, dans le cas de ces dernières, une évaluation de leurs retombées économiques est publiée »
– demande que « les plans budgétaires à moyen terme contiennent une projection mise à jour des dépenses pluriannuelles exprimées en pourcentage du PIB pour les administrations publiques et leurs principaux éléments, ainsi que des objectifs et engagements pluriannuels au niveau des dépenses prévues pour la réalisation des objectifs inscrits dans la stratégie de l’Union pour la croissance et l’emploi »
L’idée: les dépenses publiques sont forcément nuisibles…
• Des amendements discutables
Proposer la mise en place d’eurobonds
Le problème: le Parlement s’est déjà prononcé sur ce qu’il entend par là: une fédéralisation austéritaire à marche forcée (voir ici)
Proposer la mise en place d’un fonds d’amortissement de la dette
– propose « la mise en place d’un fonds d’amortissement sur une période d’environ 25 ans, conjointement avec la coordination de l’émission de dette par les États membres de la zone euro »
Le problème: cette proposition n’a d’intérêt que si on sort de la tutelle des marchés financiers, ce que ce texte ne réclame pas. Pire: le texte précise que ce fonds d’amortissement sera « fondé sur une responsabilité conjointe et une discipline budgétaire stricte » c’est-à-dire l’austérité budgétaire…
IV. Mon intervention en séance à l’époque
Ce rapport propose la mise sous tutelle de la Commission européenne de tous les Etats membres de la zone euro. Il place tous les Etats en situation de déficit excessif sous la surveillance renforcée de celle-ci. Il oblige l’ensemble des Etats à détailler chacune des dispositions de leurs projets de budgets à la Commission. Celle-ci pourra les amender. Ses amendements devront être adoptés par les parlements nationaux sous peine de sanction. Le texte reprend aussi nombre des dispositions du pacte budgétaire en cours de ratification. Il oblige ainsi les Etats à présenter tout investissement à la Commission pour validation, à mettre en place des « mécanismes de correction automatiques » en cas de non-respect des ajustements budgétaires prévus par la Commission. Il institue en outre les « programme de partenariat économique » prévus par le TSCG pour tous les Etats sous le coup d’une procédure pour déficit excessif. Je vote contre ce hold up démocratique
V. Le point aujourd’hui
Suite à un long trilogue (négociations Commission, Parlement, Conseil), le texte est revenu modifié sur nos tables de députés. Voici l’essentiel des modifications subies par le règlement entre le vote du Parlement européen en Septembre 2012 et sa version actuelle.
• Le retour des bonnes intentions sans signification réelle
Faire semblant de respecter les pratiques salariales des Etats
– » L’application du (…) et les recommandations formulées au titre du présent règlement devraient respecter les pratiques nationales et les systèmes de formation des salaires. Le présent règlement (…) n’affecte pas le droit de négocier, de conclure ou de mettre en œuvre des conventions collectives ou de recourir à des actions collectives, conformément au droit et pratiques nationaux. »
Rappel: dans les faits ce genre de disposition ne veut rien dire car en cas d’accord d’augmentation de salaire dans la fonction publique, le plan d’austérité l’interdirait et les négociations salariales sont aujourd’hui largement soumise au dogme des accords par entreprises prévus dans le Pacte pour l’Euro plus et dans le Semestre européen.
Faire semblant de laisser les parlements pouvoir jouer leur rôle
-à la mention « si, pour des raisons objectives indépendantes de la volonté des pouvoirs publics, le budget n’est pas adopté avant le 31 décembre comme prévu par le présent règlement, des procédures budgétaires provisoires devraient être en place pour que les pouvoirs publics puissent continuer à s’acquitter de leurs tâches essentielles« , ajoute « ces mécanismes peuvent par exemple comprendre l’exécution du projet de budget des pouvoirs publics ou du budget approuvé pour l’année précédente, ou des mesures particulières approuvées par le parlement«
En fait: aucun budget non conforme aux volontés de la Commission n’est jamais accepté (comme stipulé dans le TSCG -Traité Merkozy)
• Des ajouts de mesures violentes
Mettre en place une procédure de révision accélérée des budgets nationaux par la Commission européenne
–la Commission rendra désormais son avis sur le budget d’un Etat dans les deux semaines
-Si elle le veut elle pourra demander qu’un projet révisé de plan budgétaire lui soit soumis au plus tard dans les trois semaines suivant l’adoption dudit avis
–Elle rendra ensuite sous trois semaines un nouvel avis
Rappel: tout budget non conforme à ce que souhaite la Commission est considéré comme un « facteur aggravant » à l’heure de décider si la Commission sanctionne un Etat ou non (elle le peut désormais librement)….
De plus: les avis de la Commission sont publics, les agences de notations et autres spéculateurs peuvent donc s’en servir immédiatement…
Demander plus de précisions sur les budgets des Etats et les publier
– précise que « la publication du projet de budget de l’administration centrale devrait aller de pair avec la publication des principaux paramètres des budgets de tous les autres sous-secteurs des administrations publiques«
Toutes ces informations servent bien entendu ensuite aux spéculateurs l’idée de font étant: toute dépense publique est mauvaise sauf le remboursement des intérêts imposés par les banques
Le « Pacte pour la croissance et l’emploi » est considéré comme le cœur de la politique de relance de l’UE…
Pour celles et ceux qui auraient raté le contenu de ce pacte en forme de trompe l’œil, il est disponible ici
Faire en sorte que seuls les investissements dans la défense puissent ne pas être rentables sans que ce soit un motif de sanction
– le retour économique sur investissement attendu des projets de défense n’a pas à être signalé dans le plan budgétaire national à moyen terme et le programme de stabilité. Pour tous les autres investissements, si.
L’idée: il faut se conformer au Traité de Lisbonne qui impose d’augmenter les budgets militaires dans le cadre de l’OTAN
Donner de nouveaux pouvoirs austéritaires pour des organismes nationaux existants
– insiste sur la mise en place d’organismes nationaux de surveillance dont il est précisé que leur mise en place « devrait tenir compte du paysage institutionnel existant et de la structure administrative de l’État membre concerné ». C’est bien le moins!
Mais il est précisé qu’il « devrait notamment être possible de doter d’une autonomie fonctionnelle une entité appropriée d’une institution existante, dès lors que cette entité est spécialement désignée pour effectuer les tâches de surveillance »
-demande que ces organismes indépendants produisent, le cas échéant, des évaluations publiques notamment sur l’activation des « mécanismes de corrections » des budgets nationaux (prévus dans le TSCG)
Bref: on donne à un organisme national pre-existant un pouvoir exorbitant le plaçant de fait au-dessus des institutions de son propre pays.
• Des suppressions tout aussi violentes
Exit les précautions minimales pour ne pas fragiliser les Etats par des publications intempestives de la Commission européenne
– retire la mention » il convient de faire preuve de prudence à toutes les étapes et, pour cette raison, les questions liées aux plans d’émission de dette des États membres, au renouvellement de dettes en cours ou à d’autres opérations pertinentes ne devraient pas être rendues publiques et devraient exclusivement être utilisées à des fins de coordination interne. Cette prudence s’impose compte tenu du risque auquel les États membres peuvent s’exposer en faisant connaître à l’avance leurs besoins financiers aux marchés financiers. »
Exit l’idée d’un fond d’amortissement de la dette
-suppression de la mention de la » mise en place d’un fonds d’amortissement sur une période d’environ 25 ans »
Exit la prise en compte de la lutte contre les inégalités et pour l’environnement
-suppression de la mention que « les plans budgétaires et les réformes structurelles devraient être compatibles avec la protection des droits sociaux et éviter d’aggraver les inégalités. Dès lors, la discipline budgétaire ne devrait pas être mise en œuvre au détriment des moyens requis, à moyen et à long terme, pour une transformation durable et écologique de l’économie, conformément à la stratégie de l’Union pour la croissance et l’emploi et aux objectifs en matière de changement climatique pour 2050″
Adieu la taxe européenne sur les transactions financières et le principe « pollueur-payeur »
-suppression de l’amendement adopté en plénière par le Parlement européen visant à mettre en place une « taxe européenne sur les transactions financières » et à « appliquer de façon systématique le principe du « pollueur-payeur ». »
VI. Mon intervention en séance sur le texte final
Cette version du deuxième règlement du « Two pack » accroît encore la mainmise de la Commission européenne sur les budgets nationaux. Désormais non seulement la Commission pourra réviser les budgets mais elle le fera en un temps record (deux semaine) et obligera les parlements nationaux à s’y conformer eux aussi en un temps contraint (trois semaines). L’avis que la Commission rendra ensuite sur le budget révisé dans les trois semaines vaudra sanction si le budget n’est pas conforme à ses attentes. Voilà la conception que les institutions européennes ont de la démocratie! Quant à la prudence en matière de publication des informations sur les plans d’émission des dettes des Etats préconisée en première lecture, elle n’est plus de mise. On met donc directement les Etats à la merci des spéculateurs! La politique de croissance et d’emploi, est pour sa part une fois de plus réduite à sa plus faible expression: le « Pacte pour la croissance et l’emploi » et le plan de relance bidon censé l’accompagner et dont nul n’a vu la couler. Je vote contre ce texte austéritaire et le dénonce.
Nous disposons désormais des noms des coupables. Il y en a beaucoup trop dans la partie gauche de l’hémicycle côté français: seuls les élus Front de Gauche ont voté contre!
Eurodéputés PS ayant voté pour: Andrieu, Berès, Castex, Cottigny, Desir, Guillaume, Hoang Ngoc, Pargneaux, Thomas, Tirolien, Trautmann, Vergnaud, Weber (seule Castex s’est abstenue)
Eurodéputés EELV ayant voté pour: Alfonsi, Benarab-Attou, Besset, Bicep, Bove, Belier, Delli, Flautre, Greze, Jadot, Keller, Kiil-Nielsen, Rivasi, Zeribi
(Cohn-Bendit n’a pas voté)