L’écho de la victoire de Syriza le 25 janvier n’en a pas fini de résonner. Le gouvernement d’Alexis Tsipras a mis en place une stratégie de désobéissance européenne : d’une part des décisions unilatérales qui rompent avec les « engagements » imposées par la Troïka, de l’autre la proposition de renégociation de la dette avec Bruxelles en interpellant les gouvernements européens. Car, fait inhabituel pour les peuples habitués à ce que la gauche soit défigurée par les renoncements des socio libéraux, le gouvernement Tsipras applique son programme ! Le soir même de sa victoire, Alexis Tsipras annonçait la fin de la Troïka en Grèce, l’arrêt de l’application du mémorandum, la reconquête de la souveraineté et de la dignité du peuple grec et l’engagement du combat contre l’oligarchie. Les actes ont suivi. En une semaine, le gouvernement de Tsipras a rehaussé le SMIC comme prévu, mis fin aux privatisations de l’électricité et du Pirée plus d’autres mesures sociales dans les universités sans oublier l’établissement d’un droit du sol sur les enfants de migrants. Vendredi dernier au conseil des ministres, Tsipras a annoncé la sortie unilatérale du mémorandum.
Les réactions sont restées, un temps, prudentes de part et d’autre. Mais c’est finalement la BCE qui a ouvert les hostilités mercredi 4 février. Elle a annoncé la coupure de liquidités en faveur de la Grèce. Ce coup de force d’un organisme non élu et indépendant du pouvoir politique vis à vis d’un gouvernement dont la légitimité repose sur le suffrage universel, avant même qu’une quelconque institution européenne représentative ne se soit exprimée, résume le caractère a-démocratique de l’UE. Quoi qu’il en soit, la Troïka a clairement engagé la bataille contre le gouvernement grec. Avec, évidemment, l’appui (les ordres ?) empressé de l’Allemagne puisque dès jeudi, lors d’une rencontre bilatérale, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a confirmé son désaccord à son homologue grec à la fois sur la politique menée à Athènes et sur un réaménagement de la dette. La Grèce est donc appelé à se soumettre ou, implicitement, à en tirer les conséquences en sortant de la zone Euro. Tout cela révèle l’inanité d’une construction européenne sordidement définie par Junker : « Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ».
Comme Chypre précédemment, la Grèce est donc sommée d’obéir aux ordres de Bruxelles et de Berlin. Ils prennent ainsi le risque d’une déflagration généralisée. Car le gouvernement de Tsipras ne cédera pas, pas plus que nous le ferions demain si nous gouvernions le pays. De visite à Paris, Tsipras a demandé le soutien de François Hollande. Celui-ci est au pied du mur. Il ne pourra pas longtemps jouer les équilibristes : d’une part affirmer son accord avec le Premier ministre grec pour que l’Europe évolue vers une politique plus solidaire et tournée vers la fin de l’austérité, d’autre part expliquer que les règles européennes et les engagements pris devront être respectés par la Grèce. Il va falloir choisir, au risque d’un grand écart et au final d’une soumission supplémentaire devant l’Allemagne. Répondant à l’appel de nos camarades grecs engagés dans ce bras de fer historique, nous interpellons François Hollande pour qu’il choisisse le soutien au peuple grec et sommela BCE de revenir sur ses positions.
Mais nous sommes animés de bien peu d’illusions en la matière : ce sera une bataille que seule la mobilisation des peuples peut gagner. Car la Grèce n’est pas isolée. C’est la même camisole austéritaire, le même déni de la souveraineté populaire qui enserrent tous les peuples de l’UE et les rendent ainsi potentiellement solidaires.
C’est pourquoi notre première tâche va consister à organiser dans la rue la solidarité avec le peuple grec et son gouvernement. Il faut très vite une grande marche si possible en parallèle dans toutes les capitales européennes. Syriza a ouvert la voie, à nous maintenant d’y apporter notre contribution en exigeant le moratoire sur la dette grecque et la convocation d’une conférence européenne sur les dettes souveraines. A nous également d’en nourrir le contenu : non pas l’aménagement à la marge mais la fin des traités actuels, un audit sur les dettes souveraines, l’exigence d’une BCE prêtant directement aux états, etc… Car plus que jamais il faut rompre si on veut espérer refonder une autre Europe.
D’autant qu’il y a l’espoir que rapidement un deuxième pays casse à son tour la chaine de l’austérité. C’est évidemment vers l’Espagne que nos regards se tournent. L’Espagne où nous étions avec Jean-Luc Mélenchon samedi dernier à la première grande démonstration de rue de Podemos. Elle a constitué une flamboyante réussite. Incontestablement la victoire de Syriza a crédibilisé la possible accession au pouvoir des forces anti-austéritaires. Il faut désormais en profiter. Organiser le soutien au peuple grec est aussi se donner une chance pour la France.
Eric Coquerel
SN à la coordination politique du Parti de Gauche