Mardi 14 octobre, l’Assemblée nationale adopté le projet de loi « de transition énergétique pour la croissance verte ».
Les députés PS, PRG mais aussi Europe Ecologie-Les Verts ont voté pour.
Cette loi ne permet pas d’engager la transition énergétique dont le pays a besoin.
Elle contient même des dispositions dangereuses pour la souveraineté populaire en matière de politique énergétique.
La loi confirme et aggrave la confiscation de la politique énergétique par les lobbys, EDF et le marché.
Une loi qui manque d’ambition
Le projet de loi de Ségolène Royal vise une baisse de 50% de la consommation d’énergie d’ici 2050. Le scenario élaboré par l’association Negawatt démontre qu’il est possible de la réduire de 66% à cette échéance.
Une loi qui acte la poursuite du nucléaire
- La loi prévoit le maintien de la capacité actuelle de production électronucléaire à son niveau actuel de 63,2 gigawatts. Cela obligera seulement à fermer des réacteurs pour en ouvrir de nouveaux, pas pour réduire la production d’électricité nucléaire.
- La loi n’autorise pas le gouvernement à fermer un réacteur. Elle laisse les pleins pouvoirs à EDF pour décider quel réacteur fermer au moment de la mise en route de l’EPR. Rien ne garantit donc la fermeture de la centrale de Fessenheim comme Hollande s’y est pourtant engagé en 2012.
La loi acte donc la poursuite du nucléaire sans que le peuple n’en ait jamais discuté.
La privatisation des barrages hydroélectriques engagée
- La loi prévoit que les concessions des barrages hydroélectriques qui arrivent à échéance seront ouvertes la concurrence.
- Les futures concessions seront confiées à des Sociétés d’économies mixtes, mêlant des capitaux publics (Etat, collectivités locales) et des capitaux privés.
Le gouvernement s’aligne sur les exigences de libéralisation de l’Union européenne.
Dans le « programme national de réforme » envoyé à la Commission européenne en mai 2014, le gouvernement avouait déjà qu’« un renouvellement par mise en concurrence des concessions d’exploitation des installations hydroélectriques sera privilégié ».
Ségolène Royal retourne sa veste.
Dans l’élection présidentielle de 2007, elle proposait la création d’un « pôle public de l’énergie entre EDF et GDF ». Cette idée ne figure évidemment pas dans la loi. Mais Ségolène Royal ouvre même une nouvelle étape de la privatisation de l’énergie.
Seuls les députés du Front de Gauche ont voté contre la privatisation des barrages.
Les députés PS, même « frondeurs », et les députés EELV ont voté pour la privatisation.
EDF encore plus abandonné au privé ?
- Selon Le Monde, le gouvernement étudie la vente d’une partie du capital d’EDF. Aujourd’hui l’Etat détient encore 84,5% du capital de l’entreprise. Mais le gouvernement veut obtenir 5 à 10 milliards de recettes en vendant ces actions. Il a déjà vendu des actions Orange, EADS, Safran… Mais pour atteindre l’objectif de 5 à 10 milliards de recettes, « vendre du EDF est le seul moyen » selon Le Monde.
- Autre symbole, le gouvernement a nommé un nouveau président et proposé de nouveaux membres du Conseil d’administration d’EDF. Pour siéger au Conseil d’administration, le gouvernement a notamment proposé Laurence Parisot, l’ancienne présidente du MEDEF !
Ces deux décisions traduisent la volonté d’abandonner toujours plus EDF au privé alors que l’urgence écologique impose une reprise en main publique et citoyenne de cet outil pour engager une véritable transition énergétique.
L’incohérence au pouvoir
En matière d’énergies renouvelables marines, Ségolène Royal propose de constituer une « filière d’excellence »
mais le gouvernement a abandonné la filière « hydroliennes » d’Alstom à General Electric au printemps.
L’Etat n’aura pas de droit de veto dans la nouvelle filiale contrairement à ce qu’il a exigé pour les activités d’Alstom liées au nucléaire.
Même incohérence en matière de transport
- Le projet de loi fait du développement de la voiture électriquele levier quasi-unique de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en matière de transport, sans se soucier des besoins de production électrique supplémentaire !
- La loi est muette sur le rail alors que le développement du ferroutage est indispensable pour réduire les transports routiers. Le gouvernement renvoie à sa loi ferroviaire adoptée en juin qui entérine l’ouverture à la concurrence en matière ferroviaire. Or, depuis l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, entre 2005 et 2012, la part du ferroviaire a baissé de 1 point (10,6% à 9,6% entre 2005 et 2012) quand la part de la route a augmenté 1,7 point (81,9% à 83,6% entre 2005 en 2012).
Le lendemain du vote de la loi par les députés, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron ne trouvait rien de mieux à faire que d’annoncer le développement de lignes de bus pour concurrencer des lignes de trainsdésormais hors de prix ou remplacer les lignes abandonnées ou fermées. Une mesquinerie sociale doublée d’une absurdité écologique !
Pendant que l’Assemblée débattait de la transition énergétique, Ségolène Royal a annoncé unilatéralementl’abandon de l’éco-taxe. Certes, l’éco-taxe était mal conçue depuis le départ, mais son abandon a été annoncé brutalement, sans aucune réflexion sur la fiscalité écologique ni sur les recettes nécessaires au financement de plus de 120 projets de transports en commun que l’écotaxe devait financer !
La transition énergétique sacrifiée sur l’autel de l’austérité
La loi sur la transition énergétique ne masquera pas le manque criant de moyens financiers.
La ministre Ségolène Royal promet 10 milliards d’euros sur 3 ans.
C’est très insuffisant : selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), il faudrait 30 milliards par an. Il n’y a plus d’argent ? C’est bien moins que les 40 milliards que Hollande à donné aux actionnaires avec le « pacte de responsabilité ».
L’essentiel de l’argent promis par le gouvernement ne consistera pas en des investissements publicsmais seulement en des « crédits d’impôts » accordés au fil de l’eau, notamment aux propriétaires de logement.
Le budget de l’Ecologie est encore sacrifié dans le budget pour 2015. Le gouvernement prévoit une baisse de 5,8% en 2015, après la baisse de 6,5% en 2014. Le budget de l’Ecologie perdra 400 millions d’euros l’an prochain !
L’actualité du débat sur la transition écologique confirme plus que jamais la pertinence des propositions portées par Jean-Luc Mélenchon depuis la campagne présidentielle de 2012 :
- Passer à la 6e République pour soumettre la politique énergétique à la souveraineté populaire et mettre fin à la confiscation du débat par les lobbys. Par exemple en organisant un référendum pour sortir du nucléaire.
- Rompre avec l’Union européenne pour empêcher la privatisation des services publics de l’énergie et des transports
- Sortir de l’austérité et faire les investissements publics massifs dans la transition énergétique. Ce serait une bonne manière d’engager une relance écologiquement soutenable de l’activité économique et de l’emploi.