Les vœux de Hollande aux forces économiques auront finalement été des vœux au MEDEF et à lui seul. Les dirigeants syndicaux présents à l’Elysée ont reçu le discours présidentiel comme une gifle. Au sortir de la salle, le secrétaire général de la CFDT ne cherchait même pas à cacher sa colère : « il est hors de question que, d’un côté, il y ait des allégements de charges et, de l’autre, rien du tout ». Le président de la République venait de complaire à Gattaz et ses amis en renonçant à toute contrepartie chiffrée aux milliards d’exonérations de cotisations qu’ils empocheront.
Quand c’est flou il y a un loup. Le fumeux bois mort des « contreparties » qui flottait dans sa conférence de presse comme un débris de la recherche social-démocrate d’un compromis favorable aux salariés fut vite pulvérisé. Le pacte de Hollande avec Gattaz consiste donc à proposer à ce dernier de ne s’engager sur rien. Pas d’engagement donc pas de pacte. Pas de pacte donc pas sanction. Pas de sanction donc pas de responsabilité. Dans chacun de ses mots, Hollande aura été l’homme du mensonge.
Ne faut-il pas un art consommé de la tromperie pour baptiser pacte de responsabilité une manifestation éclatante de son irresponsabilité ? Irresponsabilité politique du président de la République qui peut piétiner les engagements pris devant le peuple sans que celui-ci n’ait le droit de le sanctionner. Irresponsabilité politique aussi de l’apprenti sorcier qui importe la tactique blairiste de la « triangulation » utilisée pour mettre à genoux la droite anglaise en reprenant sa ligne pour la contraindre à se radicaliser et à s’isoler. Car la France n’est pas la Grande Bretagne. Chez nous, la radicalisation de la droite donne le pire. Certes l’UMP s’est retrouvée prise au dépourvu par la conversion du président, et bien embarrassée ce week-end au moment d’adopter un programme économique tout en surenchère néolibérale. Mais l’apparent bon coup élyséen a surtout contribué ce dimanche au succès du « jour de colère » dont le caractère violent et attrape-tout témoigne d’une filiation fasciste que la complaisance médiatique qui l’entoure ne fait que confirmer.
Là n’est pas le moindre danger de l’irresponsabilité de Hollande. Il nourrit l’extrême-droite tout en cherchant à désarmer les forces à gauche qui lui résistent. Son alignement sur le MEDEF déséquilibre profondément le rapport de forces social au détriment des syndicats ouvriers. Son adhésion aux thèses néolibérales qui déclarent la France malade du trop d’Etat et de l’indivisibilité de la République sape le rapport de forces idéologique au détriment des républicains. Une brèche est ouverte pour l’extrême-droite : que faire pour lui bloquer la voie ?
Nous disposons heureusement d’une stratégie pacifique et démocratique à opposer à la tentation fasciste du coup de force. Le vote, moteur de la révolution citoyenne. Les municipales seront le premier rendez-vous électoral national depuis l’élection de Hollande. On peut regretter qu’un scrutin local devienne ainsi un enjeu national. Si la Cinquième République connaissait le referendum révocatoire, nous aurions un autre moyen de nous faire entendre. Hélas les élections locales sont dans ce régime plébiscitaire la seule voie qui subsiste pour s’exprimer sur la politique du chef de l’Etat. C’est insatisfaisant mais l’irresponsabilité absolue du président de la République le serait plus encore. Il y a responsabilité s’il y a sanction ? Rendez-vous est pris le 23 mars pour l’infliger. D’ici là faites le savoir.
François Delapierre