Personne n’ira lui compter les poux sur la tête. Aucun journaliste n’ira mesurer sa représentativité au nombre, immense, de personnes qui se sont mobilisées à son appel cette semaine. C’est comme si leur faiblesse numérique était gage de son influence. Comme lorsqu’il troqua la casquette de porte-parole des « entrepreneurs de France » pour celle de porte-voix de la mince couche oligarchique qui y est le plus lourdement assujettie en réclamant la suppression de l’ISF. On peut penser d’ailleurs que c’est son statut de membre de l’oligarchie qui vaut à Pierre Gattaz ce dialogue institutionnel privilégié avec l’Elysée et Matignon.
La position de Gattaz, nouvel homme fort de la droite, est révélatrice de ces périodes où la politique est devenue une sphère vide de sens. Traditionnellement, les plus riches faisaient porter leurs intérêts sociaux par d’autres, généralement à droite, qui pouvaient les habiller d’intérêt national. Avec Gattaz ils apparaissent dans leur crue nudité. Mais il faut dire que l’avidité des puissants a été décrétée comme légitime. Ainsi c’est Gattaz qui porte maintenant cette revendication historique de la droite et de l’extrême droite.
C’est un échec pour Nicolas Sarkozy et pour le Congrès du FN. Et l’un et l’autre sont vécus comme inutiles voire contreperformants pour se faire les porte-paroles des intérêts de l’oligarchie. Il faut dire que Gattaz offre lui le vernis d’un entrepreneur « de terrain » même si ce statut n’est en fait guère compatible avec la fonction, bénévole et à temps plein, de président du MEDEF.
Toujours est-il que cette volonté de « faire soi-même » est un puissant moteur de la révolution citoyenne. L’état d’exaspération qui règne, même à droite, contre les porte-parole traditionnels de leur camp, doit nous faire réfléchir. L’heure est à repenser la représentation politique comme l’ont fait en premier les jacobins. Tant celle-ci est malgré tout nécessaire. La révocabilité permet par exemple de repenser la responsabilité des élus. Il faudra aller dans cette voie. Une tâche pleinement aux dimensions d’une assemblée Constituante.
François Delapierre