La semaine a débuté avec le résultat de l’élection législative partielle du Doubs. Elle aura renforcé nos inquiétudes. Le nouvel enseignement de cette élection c’est désormais la capacité du FN à siphonner une part suffisante des voix de droite pour prétendre l’emporter au second tour sans même avoir à compter sur le renfort espéré, mais heureusement encore nullement vérifié, des abstentionnistes. Cela s’est passé à un cheveu. Le retour raté de Nicolas Sarkozy, la crise rampante de l’UMP sur fond de division, l’influence idéologique évidente du FN sur beaucoup de responsables de l’UMP, notamment sur le volet de l’immigration, l’expliquent. Un scénario voyant la « droite » représentée au second tour par un parti xénophobe éloigné des valeurs républicaines ne peut désormais plus être exclu. Les médias n’auront pas été avares non plus dans ce qu’il est convenu d’appeler la « dédiabolisation » du parti de Marine Le Pen. Les exemples sont quotidiens ou presque : les dirigeants du FN auront ainsi pu, contre toute évidence politique, associer leur parti à la victoire de Syriza et la montée de Podemos sans quasiment aucune contradiction sérieuse des journalistes. Lundi, Louis Alliot aura pu comparer les obsèques de Charb à des obsèques nazis sous prétexte que l’on y a chanté l’Internationale, ce qui constituait tout à la fois une insulte à la mémoire du rédacteur en chef de Charlie et des millions de combattants du nazisme, sans là aussi que cela fasse beaucoup de bruit.
Le second enseignement n’a, lui, rien de nouveau. Le niveau d’abstention confirme la crise démocratique que subit notre pays. Les raisons qui incitent les électeurs à l’abstention sont certainement diverses. Elles reviennent cependant toutes à un constat : le peuple ne vote plus parce qu’il estime que le suffrage universel ne lui permet en rien d’exercer sa souveraineté. Cette grève civique est le résultat d’un système en panne : celui de la 5ème République qui asphyxie la démocratie et d’une Union Européenne qui contourne les choix des peuples avec la pleine complicité des gouvernements qui l’y autorisent. Dans les deux cas, seule la désobéissance peut répondre à cette situation : désobéissance aux institutions de la 5ème République à travers l’affirmation d’une 6 ème République qui, plus que jamais, devra être notre candidate en 2017 ; désobéissance aux Traités et au diktat austéritaire de la Troïka dès lors que le peuple en donne le mandat.
Preuve par l’inverse : en appliquant cette stratégie de désobéissance, le gouvernement Tsipras confirme que les peuples retournent en masse aux urnes dès lors qu’ils en perçoivent l’utilité. C’est à dire que leur mandat sera respecté. Lundi soir, en confirmant lors de son discours devant le parlement grec que les promesses de Syriza seraient appliquées, Alexis Tsipras a justifié la confiance du peuple grec dans le suffrage universel :« nous ne renégocierons pas la souveraineté populaire, nous ne renégocierons pas notre mandat populaire » a-t-il affirmé. Disposant pourtant d’infiniment moins de marge de manœuvre que la France en aurait en pareille circonstance, le gouvernement Tsipras tient bon. Il entame un bras de fer avec un axe Bruxelles-Berlin qui n’a pas tardé à engager les hostilités. Cela a débuté par la coupure des liquidités annoncée par la BCE pour le 28 février si le mémorandum n’était pas respecté. L’Eurogroup a, depuis, ajouté l’exigence d’un plan de redressement qui contraindrait le gouvernement grec à revenir sur ses engagements. L’heure n’est donc pas au compromis de la part de la Troïka. Mais qui en doutait ? La question n’est pas économique mais bien politique (lire ici l’excellent article de la Tribune sur le poids insignifiant qu’aurait le non remboursement de la dette grecque sur les budgets de chaque pays membre à commencer par la France).
Il faut faire plier la Grèce pour que d’autres peuples ne s’engagent pas sur cette voie. C’est bien une confrontation de classes, entre l’oligarchie et le peuple, qui est engagée en Grèce et dans l’UE. Il n’y aura donc pas de cadeaux. Face à la guerre déclenchée par les tenants de l’Europe libérale, seule une pression populaire sans précédent sera à même d’inverser le rapport de force en faveur du peuple grec et de son gouvernement. Il reste 17 jours avant le 28 février : c’est le moment d’une mobilisation générale qui commence ce week-end par les manifestations dans toute la France dont celle à Paris qui partira de la place de la République à 15 heures. Il nous revient plus particulièrement d’exercer une pression maximum sur François Hollande, qui est le maillon faible tout simplement parce qu’en 2012 le peuple français lui a donné mandat, en fonction de ses promesses, de ne pas signer le TSCG qui aggrave les politiques d’austérité et laisse toujours plus les clefs de l’UE à la droite allemande et aux institutions non-démocratiques de Bruxelles. Même sans illusion, nous devons cela à la Grèce. Legouvernement Tsipras s’est en effet engagé sur la voie d’une rupture avec les règles actuelles de l’UE au nom de la souveraineté de son peuple mais aussi d’une certaine idée de la coopération entre les peuples d’Europe. A nous de les soutenir, à nous également de s’engouffrer dans la brèche pour refuser le chantage à la dette. En restant également persuadé qu’il n’y aura aucune reconstruction d’une autre Europe sans une rupture claire avec celle que nous subissons aujourd’hui.
Eric Coquerel
SN à la coordination politique du Parti de Gauche