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Euro : L’euro Merkel n’est pas une fatalité

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A en croire les différents commentateurs des médias dominants et les économistes officiels de la pensée libérale, il n’y aurait pas d’alternative. Nous serions condamnés à subir l’euro tel qu’il est car le seul autre choix qui s’offrirait à nous serait la sortie de l’euro prônée par le Front National. Il n’y aurait pas d’autre avenir pour la monnaie que le repli identitaire ou la résignation devant le diktat des technocrates européens et de la bourgeoisie allemande. L’euro est pourtant une construction politique et historique. Il ne tient donc qu’à nous de le mettre sur une autre voie, c’est-à-dire d’en faire une monnaie au service des peuples.

Une monnaie au service de la bourgeoisie allemande

Républicains et internationalistes, nous ne défendons pas une sortie unilatérale de la zone euro. Notre but n’est pas d’en revenir à une monnaie nationale sans esprit coopératif européen et de laisser le reste de l’Europe dans le chaos ultra-libéral. Notre objectif est donc de transformer la monnaie unique. La simple négociation n’y suffira pas. L’Allemagne ne se résoudra pas facilement à dévaluer l’euro et à le soumettre à contrôle politique, car toute la construction de l’euro s’est faite au service de sa classe dominante. En 1992 avec le traité de Maastricht, l’Allemagne a réussi à imposer une monnaie unique à l’image du Deutsche Mark : surévaluée, servant une politique exclusivement anti-inflationniste, limitant arbitrairement les déficits publics et prônant la libération des mouvements de capitaux sans harmonisation fiscale. Le patronat allemand a intérêt à avoir une monnaie forte, car il importe énormément de produits de base et de composants à bas coûts qu’il transforme pour les revendre à l’intérieur de la zone euro. Par ailleurs, le peuple allemand épargne beaucoup et est vieillissant : l’objectif anti-inflationniste garantit les intérêts de la rente et de l’épargne. Le modèle de modération salariale leur a permis de jouer les « passagers clandestins » de la zone euro en empêchant les autres pays d’adapter leur compétitivité et l’Allemagne se refuse à payer le prix d’un réel partenariat économique.

L’euro Merkel est une calamité pour l’industrie française et celle des autres pays du sud de l’Europe. Sa surévaluation pénalise fortement nos exportations. Ne pouvant plus utiliser l’arme monétaire pour diminuer leurs coûts par la dévaluation, tous les pays de la zone euro mène une politique de rigueur salariale pour augmenter leur compétitivité. Les exonérations des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les entreprises et les revenus du capital se multiplient. La protection sociale et le pouvoir d’achat s’effondrent conjointement. Par ailleurs, cette politique monétaire encourage la formation de bulles financières et immobilières à l’origine de la crise et nous empêche de lutter efficacement contre elles. L’euro tel qu’il est nous condamne à l’austérité généralisée et dresse les travailleurs les uns contre les autres.

Refonder la zone euro

La zone euro a donc besoin d’être intégralement refondée, en donnant à chaque Etat la possibilité de compenser un choc conjoncturel par une hausse du déficit public et en augmentant la solidarité budgétaire entre les Etats. Un nouveau statut de la Banque centrale européenne doit être créé, l’obligeant à œuvrer au soutien de l’activité et de l’emploi en prêtant directement aux Etats avec une inflation soutenable, et en étant responsable devant le Conseil européen et le Parlement européen. L’ensemble de la politique de l’Union européenne doit également être réorientée. Un processus de convergence des pays les moins avancés vers des standards plus élevés en matière de droits sociaux et de protection sociale doit être mis en place.

Pour que cette refondation ait lieu, nous devrons mener la confrontation au sein des institutions bruxelloises en désobéissant aux traités européens. Pour pousser l’Allemagne à accepter une refonte des statuts de la BCE, nous pourrions être amenés à faire en France ce qu’elle se refuse à faire au niveau européen. Un gouvernement déterminé aura toutes les chances d’être soutenu par les pays d’Europe du Sud et de faire ainsi plier l’Allemagne, qui a beaucoup à perdre dans la disparition de l’euro.

Les leçons de Chypre

La crise chypriote est en ce sens riche d’enseignement. Le vote unanime de son Parlement a permis de refuser le premier plan qui visait à ponctionner les dépôts de l’ensemble des épargnants. La résistance nationale face à la technocratie européenne peut donc aboutir à de meilleures solutions pour les peuples. Par ailleurs, la mise en place de contrôles sur les mouvements de capitaux et les taux de change, contraires aux traités européens, a été activée. Ils ont empêché la panique bancaire à Chypre et prouvent que les traités ne sont pas gravés dans le marbre quand il y a la volonté politique. Si un pays de la taille de Chypre, avec une économie qui représente 0,2% du PIB de l’UE, a pu à ce point ébranler les institutions européennes et les pousser à de tels contournements des traités, alors cela donne de l’espoir sur la capacité de la France à renverser la table et à réformer intégralement la BCE. La confrontation passera d’abord par la réforme des statuts de la Banque de France pour lui permettre de monétiser la dette, c’est-à-dire d’acheter des obligations d’États en son nom et sur le marché primaire. Elle sera accompagnée d’un contrôle strict des mouvements de capitaux. Cette création monétaire unilatérale entraînera notamment une dévaluation de l’euro. Il est clair que cette désobéissance pourrait conduire certains à vouloir notre exclusion de la zone euro, même si ça n’est pas prévu par les traités européens.

Construire d’autres solidarités

Nous abordons avec sérénité cette possibilité. Si la BCE refuse de se réformer avec la prétention de nous obliger à mener une politique néo-libérale pour rester dans la zone euro, nous construirons d’autres solidarités, fondées sur un nouveau rapport de forces. Nous pourrions, par exemple, négocier la création d’un « eurosud » dévalué et refondé sur des principes coopératifs ou, si cela s’avère impossible, créer une monnaie commune pour les échanges extra européens et revenir à des monnaies nationales au sein d’un système monétaire européen. La BCE aurait alors pour objectif de stabiliser les taux de changes intra-européens pour limiter les différences d’inflation entre pays. Le Parti de Gauche ne sacralise aucun système monétaire en lui-même et sait que la monnaie est à la fois un outil politique et une réalité sociale. Il ne fait prévaloir que l’absolue nécessité de mener les politiques publiques progressistes exigées par la souveraineté populaire. Si l’alternative qui venait à se présenter était le maintien de la zone euro dans la soumission au carcan néolibéral, ou bien la sortie de l’euro pour appliquer le programme validé par le vote des citoyens, le Parti de Gauche opterait sans hésitation pour cette seconde solution.

Guillaume Etievant