Martin Luther King, leader emblématique du mouvement pour les droits civiques des noirs américains, est assassiné dans des circonstances mystérieuses. Présent à Memphis pour soutenir une grève d’éboueurs noirs, il est abattu à la terrasse de son motel, sans qu’aucun témoignage fiable ne puisse être recueilli. Deux mois plus tard, James Earl Ray, un militant ségrégationniste, est arrêté et avoue le meurtre de King. Il se rétracte trois jours après. Ce retrait, le climat de violence sociale et politique prégnant, ainsi que plusieurs contradictions dans la version officielle de l’évènement, ont contribué à alimenter les thèses les plus variées.
Si des zones d’ombres subsistent sur le plan factuel, personne ne doute qu’il s’agisse d’un assassinat politique. Figure d’une haute autorité morale, lauréat du prix Nobel de la paix en 1964, Martin Luther King dérangeait la frange conservatrice de l’opinion américaine. Son assassinat déclenche une vague d’émeutes raciales qui fait plusieurs morts. Il apporte également une exposition médiatique inattendue à la grève des éboueurs, qui se termine par la satisfaction de leurs revendications. L’oraison funèbre lue lors de ses funérailles, auxquelles assistent plus de 300 000 personnes, est un sermon qu’il a lui-même enregistré préalablement, dans lequel il appelle à « nourrir les pauvres » et à « servir et aimer l’humanité ».
Pour Martin Luther King, le mouvement des droits civiques s’inscrit dans un cadre plus large, celui de l’émancipation humaine. C’est pourquoi, après la signature par le président Lyndon Johnson du civil rights act et du voting rights act, qui reprennent les principales revendications du mouvement noir, King s’oriente vers d’autres combats. Militant pour le retrait des troupes américaines du Vietnam, ainsi que pour une politique de lutte contre la pauvreté, il se déclare partisan d’un socialisme démocratique, affirmation courageuse dans un pays idéologiquement dominé par le libéralisme. En mourant, Luther King entre dans l’histoire, et son action est peu à peu vidée de ses dimensions les plus subversives, qui renvoient à une autre histoire des Etats-Unis, celle de la révolte et des luttes sociales.
Alexis Piat