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Un duo de choc

Ayrault-Hollande

Tiens, le premier ministre est toujours là ! L’entretien de Jean-Marc Ayrault au Journal du Dimanche rappelle trois jours après la prestation télévisuelle du président de la République qui l’avait zappé que la Cinquième République est également dotée d’un premier ministre. Voilà qui devrait modérer l’image de dérive personnelle du pouvoir. Sauf qu’Ayrault y officialise le recours aux ordonnances qui dessaisit les parlementaires de leur droit d’amendement. C’est ainsi que serait mis en œuvre le « choc de simplification » annoncé par Hollande. Attention, ce choc pourrait être davantage qu’une formule éculée de communicant oubliée dans un carton sarkozyste. Certes, huit lois de simplification ont été votées depuis 2002. Mais elles ont modifié de nombreuses législations. Réviser les lois n’est jamais purement technique. C’est pourquoi ce chantier restait entre les mains des parlementaires.

La simplification des lois, nécessaire, peut se pratiquer de mille manières. Un gouvernement du Front de Gauche supprimerait toutes les niches fiscales et le maquis des exonérations de cotisations sociales qui ne crée ni richesse ni emploi. La difficile détermination des conditions du licenciement économique serait rendue plus simple et lisible par l’interdiction des licenciements dans les entreprises bénéficiaires. Le désordre de l’enseignement supérieur reculerait grâce à la fin de la gestion autonome des personnels. La gratuité des transports publics dans les zones urbaines constituerait une formidable simplification pour les usagers et les agents. Nous pourrions aussi alléger le fatras de normes en interdisant la publicité dans l’espace public, en supprimant des centaines d’imputations pénales inutilisées ou en arrêtant les procédures de contrôle tatillonnes des chômeurs.

Hollande et Ayrault ont choisi une tout autre direction : alléger les « contraintes qui pèsent sur les entreprises ». La méthode des ordonnances renforce le poids des intérêts privés en évitant le débat public au Parlement. Nouveau prétexte à économies budgétaires, ce choc a une orientation clairement libérale : faire reculer la présence de l’État et de la loi dans l’économie. Nous commencerions, nous, par le rétablissement de la souveraineté du peuple en convoquant une Constituante. C’est ensuite que toutes les lois seraient revues. Le pouvoir solférinien confie, lui, le changement des lois à une technostructure pressée de toutes parts de réduire la dépense publique dans l’illusion que les méthodes autoritaires sont plus rapides et efficaces.

La deuxième annonce de l’exécutif pose également un grave problème démocratique. Hollande veut allonger la durée de cotisation pour les retraites. Ayrault l’a confirmé en excluant tout report de l’âge légal et toute baisse des pensions. Précision hypocrite. L’allongement de la durée de cotisation conduirait mécaniquement des centaines de milliers de salariés à partir au-delà de 62 ans ou à accepter des pensions amputés par la décote. Voire les deux, surtout en pleine explosion du nombre de chômeurs âgés. Cette annonce viole l’engagement de campagne numéro 18 de François Hollande, qui promettait une négociation excluant l’allongement de la durée de cotisation. Le « choc de simplification » permettrait donc de réformer les lois sans demander l’avis du peuple ni de ses représentants. Et la réforme des retraites ne tient aucun compte de celui qu’il a donné. Tirons-en la conclusion simple et choc : il faut en finir avec la Cinquième République.

François Delapierre