Le 49-3 est tombé et l’adoption de la loi travail a donc été imposée sans débat lors de son passage en première lecture à l’Assemblée Nationale. Ce 49-3 est l’arme brutale des faibles, obligés d’user des rouages les plus anti-démocratiques et autoritaristes de la 5ème République. Ce gouvernement est en effet plus qu’affaibli. Sans aucune majorité au Parlement, François Hollande et Manuel Valls ont préféré bâillonner les représentants du peuple que de reconnaître l’illégitimité du gouvernement à imposer un texte rejeté par plus de 70% de la population et contesté sans relâche par un mouvement social et citoyen déterminé depuis plus de 2 mois !
Hélas, les 56 député-e-s de gauche opposé-e-s au texte de loi ont manqué de deux signatures pour déposer la motion de censure initiée par les parlementaires du Front de Gauche. Ils ne furent que 14 pour utiliser l’ultime outil dont ils disposaient pour faire barrage à la loi et censurer le gouvernement : la motion de censure déposée par la droite. Si nous saluons la cohérence de ces 14 parlementaires, et de son initiateur André Chassaigne, nous déplorons l’inconsistance de l’opposition des autres. Comment considérer comme plus grave de voter une motion de censure de la droite que de laisser adopter une loi de droite ?
De quoi ont-ils eu peur ? De se voir censurer leur prochaine investiture parlementaire ? Ce sinistre épisode du 49-3 révèle la logique intrinsèque des institutions de la 5ème République : un régime plus proche de la monarchie présidentielle que du parlementarisme républicain. Un régime autoritaire de concentration des pouvoirs dans l’exécutif au mépris du Parlement, des représentants du peuple et de la délibération collective contradictoire. Un régime à la solde de la caste dominante et de ses intérêts contre le peuple, qui réduit ses partis à de vulgaires godillots, exécutants des basses oeuvres et l’ambition de ses élu-e-s à la seule préoccupation de leur propre réélection, quand un référendum révocatoire aurait dû les évincer de l’assemblée avant la fin de leur mandat.
Et dans ce régime oligarchique, son premier valet Manuel Valls n’a pas hésité à revenir sur un des maigres engagements pris en réponse à la mobilisation de la jeunesse et des salariés : la surtaxation des CDD n’aura pas lieu via la loi travail. Le MEDEF n’en voulait pas, Valls l’a retiré de la loi et renvoyé à la négociation des “partenaires sociaux” dans laquelle le MEDEF pourra opposer son véto…
Mais rien n’est fini : le texte de loi doit dorénavant passer par le Sénat puis de nouveau à l’Assemblée Nationale où le gouvernement n’aura toujours pas de majorité. N’oublions pas que le CPE fut retiré après avoir été adopté par le 49-3. La loi travail peut donc être battue soit par une nouvelle motion de censure au Sénat ou à l’Assemblée, soit par la censure du mouvement social et citoyen dans la rue. Si le gouvernement veut jouer la montre et étirer ce calendrier pour exploiter la coupe d’Europe de football et le début des grandes vacances pour enrayer la mobilisation, sachons au contraire la construire et l’amplifier sans relâche. Loin de l’essouffler, la mise sous haute tension du système par un autoritarisme à coup de 49-3 et une mise en scène de violences et de répression policière pourrait bien au contraire accroître la mobilisation comme elle accroît de fait la colère.
Les semaines à venir vont être décisives. D’ores et déjà, deux journées de grève sont appelées les mardi 17 et jeudi 19 mai contre la loi, et des grèves sectorielles sont prévues notamment à EDF, à la SNCF, chez les routiers. Plus que jamais, la convergence des luttes doit être suscitée et encouragée, à l’instar des mobilisations des intermittents, chômeurs et précaires qui ont occupé à Paris le jour de la manifestation du 12 mai le siège de l’autorité des marchés financiers puis l’école des Beaux arts. A l’instar des mobilisations des Nuits Debout qui partout en France se recentrent sur la loi travail et la convergence des luttes locales et nationales.
Quelle que soit l’issue de la bataille, cette mobilisation est en train de fédérer le peuple dans sa conscience sociale et politique. Dans un tel contexte, le défilé des insoumis du 5 juin doit jouer un double rôle bien particulier : contribuer à renforcer la détermination pour le retrait de la loi travail et construire, avec la candidature de Jean-Luc Mélenchon, l’espoir de l’insoumission générale pour 2017.
Danielle Simonnet Coordinatrice du Parti de Gauche