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Beaucaire – Texte lu au pied de la plaque de la rue renommée « du 19 Mars 1962. Cessez le feu en Algérie» ce samedi 19 Mars 2016.

Nous sommes ici pour rappeler le sens de cette journée du 19 Mars, que le maire actuel de Beaucaire a voulu nier voici quelques mois en débaptisant la rue qui en portait le nom et en refusant, aujourd’hui même, de s’associer à la commémoration de la Fédération des Anciens Combattants d’Algérie (FNACA).

54 ans après, c’est la tentative de réécrire l’Histoire en refusant les accords d’Evian signés le 18 Mars 1962, qui organisaient la période de transition entre la fin des combats et l’autodétermination des algériens.

54 ans après, c’est la tentative de nier la volonté du peuple français de parvenir à la Paix : c’est accords d’Evian furent massivement ratifiés, en France, lors du referendum du 8 Avril suivant par plus de 90% des votants et 65% des inscrits.

54 ans après, c’est la tentative de nier le droit d’un peuple, le peuple algérien, à disposer de lui-même et à accéder à l’indépendance, adoptée par referendum le 1er Juillet 1962.

Certes, le cessez le feu n’a pas marqué la fin des désastres de la guerre : tant de rancoeurs, tant de frustrations, tant d’injustices accumulées en 130 ans ont conduit à des exécutions sommaires, des règlements de compte injustifiés, des violences inexcusables. Comme nous-mêmes en avons connus sur notre sol, au moment de la Libération, en 1945.

Mais dans cette exacerbation de la haine, il est nécessaire de rappeler le rôle qu’ont tenu ceux qui furent les pères spirituels et idéologiques du parti dont se réclame le maire de Beaucaire : les criminels, les terroristes de l’Organisation Armée Secrète (OAS) qui, durant les dernières années du conflit, multiplièrent des deux côtés de la Méditerranée exactions et attentats, faisant des milliers de victimes et rendant irréversible la fracture entre les différentes composantes de la population d’Algérie. Eux aussi qui armèrent le bras des quatre généraux qui, en 1961, rêvaient d’instaurer une dictature militaire, eux encore qui tentèrent d’assassiner aussi bien De Gaulle que Malraux.

Ils n’acceptaient pas, en fait, que cesse l’Ordre Colonial. Les peuples d’Orient, d’Afrique Noire ou du Nord ont fourni au cours des deux conflits mondiaux des centaines de milliers de combattants pour la défense et la liberté de la Métropole, dans les tranchées de Verdun ou, trente ans plus tard, dans les combats pour la libération de l’Italie, sur les pentes du Monte Cassino, ou sur les plages du débarquement de Provence.

Ces peuples ont cru que le programme émancipateur du Conseil National de la Résistance les concernait aussi. C’était sans compter avec les tenants de l’ordre colonial : ce furent les massacres de Sétif de Mai 1945 en Algérie, la féroce répression à Madagascar en 1947, la désastreuse guerre d’Indochine de 1946 à 1954 à laquelle succéda immédiatement celle d’Algérie, avec son funeste cortège de 25.000 militaires tués dont 13.000 appelés (175 étaient gardois, 3 beaucairois), sans oublier les 400.000 victimes civiles. Et ceux qui en revinrent sains et saufs dans leur corps restent durablement blessés dans leur esprit, en particulier ces plus d’un million quatre cent mille appelés qui furent, 24 ou 30 mois, plongés dans cette tourmente qui leur tint lieu de jeunesse. Ces appelés auxquels il convient de rendre hommage pour avoir fait échouer le putsch des généraux dont la réussite aurait prolongé la tragédie d’on ne sait combien d’années et d’on ne sait combien de morts.

C’est de tout cela dont le 19 Mars est aussi chargé et c’est de tout cela qu’a voulu se débarrasser le déposeur de plaques de rue, nostalgique d’un ordre ancien et injuste. Il est de ceux qui rêvent de raviver les plaies, de rajouter aux peines des temps présents de nouvelles haines, pour instaurer leur ordre nouveau qui n’est que la caricature de l’ordre ancien, celui des temps iniques du mépris et de l’ordre colonial dont ils n’ont toujours pas fait leur deuil.

Votre présence, ce soir, atteste qu’on peut mettre en échec cette volonté négationniste. Que la Méditerranée, n’est pas un obstacle, une frontière, des abysses où s’abîment les bateaux de réfugiés, mais un pont, un lien, un lieu où construire la solidarité et la fraternité dont notre humanité a tant besoin.

Au nom de Réagir pour Beaucaire, au départ de cette initiative avec la Ligue des Droits de l’Homme, et de toutes les associations et organisations qui l’ont soutenue, merci.

 

Réagir Pour Beaucaire (RPB).

Jean-François Milési