Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 des militants nazis provoquent des émeutes antijuives sur le territoire du Reich. Au matin une centaine de juifs ont été assassinés, près de deux cents synagogues et lieux de culte détruits, 7 500 commerces et entreprises exploités par des juifs saccagés. C’est la nuit de Cristal, (Reichskristallnacht), en référence aux vitrines et à la vaisselle brisées cette nuit-là.
Présenté comme un mouvement populaire spontané, ce pogrom a en fait été décidé par le chancelier du Reich, Adolf Hitler, et minutieusement organisé par Joseph Goebbels. Le ministre de la propagande prend le prétexte de l’agression d’un conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, par un jeune juif polonais dont les parents sont internés en Allemagne. À l’annonce de la mort de vom Rath, dans la soirée du 9 novembre, Gobbels dénonce un «complot juif» contre l’Allemagne et lance les SA et les jeunesses hitlériennes dans les rues pour brutaliser les juifs. Les consignes leurs précisent d’être en tenue de ville pour laisser croire à un mouvement populaire spontané. Les SS et la Gestapo soutiennent le pogrom, le prenant comme prétexte pour procéder à l’arrestation d’environ 30 000 hommes qui sont envoyés en camp de concentration.
Les nazis attribuent aux juifs eux-mêmes la responsabilité de la nuit de Cristal et infligent à la communauté juive allemande une amende d’un milliard de marks (soit 400 millions de dollars au taux de change de 1938) en réparation des dégâts qu’ils auraient provoqué. Le Reich confisque également toutes les indemnisations des assurances qui auraient dû être versées aux propriétaires juifs des établissements commerciaux ou des habitations pillés et détruits. Cette nuit de violence marque le renforcement des mesures antijuives. Le 12 novembre le plan de spoliation se met en œuvre avec une circulaire ordonnant la fermeture de tous les commerces de détail tenus par des juifs et la radiation de tous les artisans juifs des registres professionnels. Le processus d’aryanisation est complété le 3 décembre par un décret étendant ces interdictions à toutes les entreprises industrielles et aux biens immobiliers juifs.
Prémices de la Shoah, cette violence planifiée d’une nuit annonce des heures sombres pour l’Europe.
Aigline de Causans