« La contestation sur François Hollande dans le PS s’est éteinte, elle est résiduelle. Il sera en situation de force pour 2017 ». Cette interprétation des résultats des votes dans les sections du PS est signée Jean-Christophe Cambadélis. Il répond ainsi à l’avance à Christian Paul. Au lendemain des 29 % obtenus par la motion B, son chef de file dit considérer « que le combat n’est pas terminé. Beaucoup de militants ne se sont pas déplacés, et si nous n’étions pas là, beaucoup seraient partis ».
On peut au moins créditer le premier secrétaire d’un sens certain des rapports de force : à l’intérieur du PS, les jeux sont effectivement faits pour les deux ans à venir. Dans la société, c’est tout à fait autre chose : le gouvernement Valls y est assurément minoritaire et le PS va de défaite en défaite. Mais ce n’était pas le problème du moment de Cambadélis. Il souhaitait juste s’assurer d’un parti aligné derrière François Hollande pour sa candidature en 2017. A priori, il en dispose désormais.
Créditons également Christian Paul d’une certaine lucidité lorsqu’il explique que « si nous n’étions pas là, beaucoup (de militants) seraient partis ».
Toute la question est donc maintenant là. A quoi un-e militant-e de gauche sincère peut-il servir dans un PS qui va soutenir plus que jamais la politique du gouvernement ? Qui va même jusqu’à considérer qu’en son sein la contestation à Hollande et Valls s’est éteinte ? Jean-Christophe Cambadélis a répondu à sa manière : à rien. Beaucoup de militants l’ont déjà compris et sont partis : la motion de Christian Paul a réuni 18 975 voix quand celle de Hamon en 2008 recueillait 24 162 voix… Dès lors, un choix se pose pour les frondeurs : si à moins de 30 % ils ne peuvent plus espérer changer le PS, en se rassemblant avec nous à l’extérieur ils peuvent espérer contribuer à changer le pays. Toute proportion gardée, ils se retrouvent aujourd’hui dans la situation de Jean-Luc Mélenchon et de ses camarades en proie au même dilemme au moment du congrès de novembre 2008. Il suffirait donc aux frondeurs de regarder ce qui s’est passé depuis pour décider de leur décision : en restant au PS ont-ils évité la victoire de la ligne sociale-libérale en son sein puis son application stricte au gouvernement ? Sont-ils parvenus à empêcher le PS de devenir un parti du système néo-libéral, désormais aligné sur tous ses partis frères en Europe ? A l’inverse, la sortie de Jean-Luc Mélenchon et de ses camarades aura permis non seulement la création du PG mais surtout à l’Autre gauche de sortir enfin de l’ornière de la division et de la marginalisation. Les Présidentielles de 2012 auront en effet permis, pour la première fois, de concrétiser les espoirs entrevus pour la gauche du Non au référendum sur le TCE du 29 mai 2005. Ce n’est pas suffisant et on ne peut cacher que la période de ressac que nous connaissons n’atteint pas également nos forces, mais entre la capitulation sans condition du PS et l’espoir entretenue d’une alternative de notre côté, le choix devrait être vite fait pour les femmes et les hommes de gauche de bonne volonté.
Nous savons la tâche immense, nous savons devoir parvenir à faire mieux encore en 2017 qu’en 2012 et ce dans une situation dégradée : la politique appliquée par le couple Valls/Hollande a en effet non seulement accéléré la crise sociale et démocratique mais également ouvert un boulevard à la droite et à l’extrême-droite. C’est pourquoi la sortie de ces milliers d’élus, responsables politiques et militants, tous devenus inutiles dans la machine à broyer les convictions qu’est le PS, serait un sacré appui à la nouvelle alliance populaire et au mouvement citoyen que nous aspirons à construire dès les Régionales. Nous n’avons guère d’illusion mais nous serions heureux que les frondeurs, même une partie d’entre eux, démentent ce scepticisme. Toute aide, toute expérience militante est en effet précieuse dans la période. Il est en tous les cas de plus en plus certain qu’entre une social-démocratie qui assume désormais son tournant libéral même au prix de ses futures défaites électorales, et ce que « notre » gauche représente, il n’y a pas de voie médiane. Désormais, les frondeurs ne peuvent plus se cacher cette réalité.
Eric Coquerel
SN à la coordination politique