La Convention décide le 11 mars 1794, de la création d’une commission des travaux publics avec la mission d’organiser une nouvelle école centrale de travaux publics. Celle-ci sera effectivement créée en septembre 1794 et recevra le nom d’école polytechnique en septembre 1795. Elle est destinée à faire face à la pénurie d’ingénieurs en France. Les trois premiers mois de cours, qui permettent de classer les élèves selon leurs niveaux, sont intitulés « cours révolutionnaires ». En 1830 et 1848, ses élèves participent activement aux trois glorieuses, puis à la mise en place de la Seconde République ; le Gouvernement provisoire lui rend d’ailleurs un vibrant hommage.
De nos jours, deux immenses critiques peuvent être adressées à cette école qui n’a plus rien de révolutionnaire. D’une part, évidemment, son rôle de reproduction sociale. Dès 1988, Pierre Bourdieu, dans La noblesse d’État, note que les grandes écoles tendent à produire des univers aussi clos et homogènes que possible. Il établit un parallèle avec la transmission héréditaire des titres de noblesse : « l’accès aux positions de pouvoir économique, sociale et politique passe désormais par l’obtention de titres scolaires (…) Les grands concours sont les rites magiques lesquels nos sociétés instituent leurs héritiers légitimes ». De fait, 40% de ses élèves sont issus de deux lycées seulement ! 74% des admis sont parisiens, 17% seulement sont des femmes et 13% des boursiers.
D’autre part, l’école est minée par le pantouflage. On estime que seuls 20% des sortants de l’X choisissent le secteur public ! Alors même que ses élèves sont rémunérés autour de 1000 € durant leur scolarité, par ailleurs gratuite, ils ne travaillent pas pour l’Etat par la suite. Or la règle de la pantoufle – le fait de devoir rembourser une partie des frais de scolarité si l’on part travailler dans le privé avant d’avoir accompli dix ans dans le service public – ne s’applique pas à ceux qui choisissent d’aller servir les entreprises dès la sortie de l’école ! En outre, lorsqu’elle est réglée, cette pantoufle de 45 000 € est souvent versée par l’entreprise qui débauche et non par l’ancien élève ! Dans tous les cas, le sens de l’Etat semble bien loin.
Jeanne Fidaz