18 janvier 2016
Des élus autonomes et combatifs
Ce lundi 18 janvier 2016, le nouveau conseil régional issu de la fusion des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées se réunit pour la seconde fois. Lors de la séance d’installation, il y-a 15 jours, Carole Delga avait été élue Présidente de cette nouvelle collectivité. Avec la liste « Nouveau Monde en commun », nous avions atteint un résultat de10% lors de l’élection régionale de décembre. Notre projet articulait un programme d’action pour répondre aux urgences sociales et écologiques et une charte éthique et démocratique inédite au niveau national proposant le refus du cumul des mandats, des pratiques politiques collectives, des outils d’implication citoyenne et de contrôle tels que la possibilité de votations citoyennes et de référendums révocatoires. Au second tour, nous avions fait le choix d’un regroupement avec la liste de Carole Delga, seul moyen pour empêcher l’extrême-droite de gagner la Région tout en permettant la représentation proportionnelle de nos électeurs du premier tour au sein de l’hémicycle régional. Avec tous mes collègues et camarades qui le voudront, nous agirons de façon autonome et combative, sans concession par rapport à nos engagements, qu’ils soient éthiques ou programmatiques. Dit plus clairement, notre regroupement de second tour ne signifiait pas ralliement au programme électoral de la liste du gouvernement menée par Mme Delga. C’est la raison pour laquelle avec 3 autres élus de notre liste (Muriel Ressiguier, Liem Hoang Ngoc et Jean-Christophe Sellin), nous avons fait le choix de ne pas voter pour Mme Delga lors de son élection comme présidente. Cette abstention n’était pas une défiance vis-à-vis de sa personne mais une fidélité à nos propres engagements de campagne, en particulier deux d’entre eux : le refus du cumul des mandats (Mme Delga faisant le choix de rester Député tout en étant présidente de région et Mme Pinel, Ministre du gouvernement est 1ere vice-présidente de la région) et la nécessité d’indépendance de l’exécutif régional par rapport à la politique gouvernementale qui est est une impasse totale.
De la Montagne à l’égalité des droits
J’en viens donc à la séance du jour qui appelle l’examen de nombreux sujets. Arrivés dans l’assemblée, nous regagnons nos sièges, classés par sensibilités politiques et à l’intérieur de celles-ci par ordre alphabétique. Avec mes ami(e)s du Parti de Gauche, Muriel et Jean-Christophe, nous sommes placés en haut à gauche de l’hémicycle. Le hasard fait un clin d’œil à l’histoire de notre courant politique à croire qu’il attache parfois une valeur aux symboles. C’est en effet la place qu’occupaient les députés de gauche qui formèrent le groupe de la « Montagne » pendant la révolution française, dans l’Assemblée législative de 1791 (les députés des bancs plus modérés prenant alors le nom de « Plaine » ou de « Marais »). On doit aux députés Montagnards la déclaration des droits de l’homme de 1793. Celle-ci proclamait notamment que « Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles » ou encore que « Tous les hommes sont égaux par nature et devant la loi. ». Ces principes ancrent alors dans le droit les principes universels portés par la philosophie des lumières et constituent un fil rouge des combats de ceux qui agissent pour le progrès humain et le socialisme, c’est-à-dire pour passer de l’égalité en droit à l’égalité en faits. J’évoque le principe d’égalité en droits des êtres humains car aujourd’hui, d’emblée, un os nous reste en travers de la gorge. Sous l’impulsion d’élus de notre liste, par exemple Myriam Martin, un vœu a été déposé relatif au projet de révision constitutionnelle permettant la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français. Nous avions déjà interpellé Mme Delga sur ce sujet pour lequel elle devra se prononcer comme Député. Pour nous, cette question est une ligne rouge. Non seulement cette réforme n’apporte rien pour lutter contre le terrorisme mais elle reviendrait à renier l’identité républicaine de notre pays qui garantit l’égalité absolue de droit entre les citoyens, quelque soient leurs origines. Si nous avons fait le choix d’un regroupement avec la liste gouvernementale pour battre le Front National, il serait incompréhensible que nous ne nous battions pas contre l’application dans notre pays d’une mesure identitaire de la pensée d’extrême droite ! Le vote d’un tel vœu par notre Assemblée régionale serait un point d’appui important dans le débat national. Pourtant, le débat n’aura pas lieu. La raison étant la déclaration « d’irrecevabilité » de ce vœu par la conférence des présidents de groupes au prétexte que ce sujet n’entre pas dans le champ des compétences régionales. C’est pourtant l’objet même d’un vœu de permettre à la collectivité de se prononcer sur des sujets dépassant les compétences régionales ! C’est ainsi que le conseil régional Midi-Pyrénées s’est prononcé dans les dernières années sur des sujets aussi divers que la question des Roms, le conflit israelo-palestinien ou la fiscalité écologique. Il s’agit donc clairement ici d’un prétexte pour éviter le débat et surtout le vote sur ce sujet. Faut-il rappeler qu’un conseil régional est une collectivité de la république et non indépendante de celle-ci ? Il est donc tout à fait naturel que l’on puisse se prononcer sur des sujets majeurs pour l’avenir de notre pays ! Nous y reviendrons dans les jours qui viennent.
De la baisse des indemnités mais pas pour tous
La séance du jour est introduite comme à l’accoutumée par un discours de la présidente de Région. J’en relève ici trois éléments qui me paraissent importants. Le premier concerne la volonté affichée par Mme Delga en matière de transparence et de fonctionnement démocratique du conseil régional. L e règlement intérieur proposé aujourd’hui reprend un certain nombre de propositions portées dans la charte éthique et démocratique le liste « Nouveau Monde en commun ». C’est le cas de la création d’un bureau de l’assemblée indépendant de l’exécutif régional, d’un conseil des territoires ou d’une modulation des indemnités d’élus en fonction de leur présence effective aux diverses réunions de la collectivité. De ce point de vu, la décision de Mme Delga et Mme Pinel de ne pas démissionner est un très mauvais signal que chacun considère en contradiction avec l’affichage d’un renouvellement des pratiques rejetées par nos concitoyens. La deuxième annonce importante de Mme Delga est la décision de proposer le vote d’une diminution de 14% des indemnités des élus par rapport à ce que prévoit la loi pour notre Région. Cette décision que nous avons défendue était attendue car la hausse des indemnités des élus est indéfendable au moment où les salaires des salariés de ce pays sont au mieux bloqués. Pour autant, disons les choses clairement. L’enjeu principal n’est pas celui du montant des indemnités des élus locaux mais celui du statut des élus qui permettrait de démocratiser l’accès aux fonctions électives, en particulier des catégories sociales les plus précaires. Rappelons également que la baisse des indemnités des conseillers régionaux concerne tous les élus sauf ceux qui sont en situation de cumul avec d’autres mandats qui eux, sont écrêtés (un plafond d’indemnité en cas de cumul est fixé par la loi qui s’élève environ à 8000 euros mensuels). Cette décision qui semble courageuse politiquement ne change donc en réalité rien au montant des indemnités des élus cumulards. Seules les indemnités des élus qui ne cumulent pas sont en baisse. La troisième annonce de Mme Delga est relative aux projets d’infrastructures de transports. En donnant une priorité au projet routier Castres-Toulouse mais également aux projets de LGV Montpellier-Perpignan et Toulouse-Bordeaux, nous demanderons rapidement des clarifications. Car ces annonces sont contradictoires avec nos engagements de campagne mais aussi avec un aspect de « l’accord de majorité » qui engage les forces politiques parties prenantes de l’exécutif régional (PS-PRG-PCF-EELV). Cet accord prévoit en effet un « moratoire » sur les financements régionaux des projets d’infrastructures de transport qui ne font pas consensus.
Un règlement intérieur positif
L’ordre du jour appelle tout d’abord l’examen et le vote du Règlement intérieur. Celui-ci organise le fonctionnement démocratique du conseil régional. De nombreuses évolutions positives sont à noter par rapport aux pratiques précédentes. L’exécutif régional n’aura plus seul la maitrise des ordres du jour avec la création d’un bureau de l’assemblée. L’assiduité des élus aux réunions de l’institution sera rendue publique et une modulation des indemnités sera pratiquée en fonction des présences effectives. Seul le groupe PRG s’oppose à cette mesure. Il faut dire que Mme Pinel est Ministre et conseillère régionale, difficile d’être au four et au moulin. Le PRG propose donc un amendement pour ne pas rendre publiques l’assiduité des élus, lequel sera rejeté. Nous votons pour ce Règlement intérieur même si nous défendons des améliorations, en particulier la nécessité de rendre publics les débats des commissions permanentes.
Rendez-vous en mai pour les choix budgétaires
Le second sujet examiné aujourd’hui concerne les aspects budgétaires et financiers, en particulier la reconduction d’autorisations de programmes et d’engagements en attendant le vote du budget 2016 qui aura lieu au mois de mai. Il s’agit d’une disposition de la réforme territoriale qui concerne les régions fusionnées. Si nous comprenons la nécessité de prolonger des lignes budgétaires pour permettre les interventions et le fonctionnement du conseil régional jusqu’au vote du budget 2016. J’avais voté contre ce budget en 2015. Des lignes budgétaires prolongées nous posent donc d’importants problèmes, par exemple concernant le financement des lycées privés au-delà de ce qu’impose la loi, celui des pôles de compétitivité ou encore la politique de l’eau. Après discussion collective, les 3 élus du Parti de Gauche et celui de la Nouvelle Gauche Socialiste ont décidé de s’abstenir sur ce vote, tout comme Myriam Martin mais aussi plusieurs élus communistes. Cette question des choix budgétaires sera la bataille principale des semaines à venir et nous allons mettre en œuvre des dispositifs pour permettre l’association du plus grand nombre à ce sujet, en particulier tous ceux qui se sont impliqués dans notre campagne.
Barrage au Front National dans les organismes extérieurs
Concernant la mise en place des différentes commissions mais surtout la désignation des élus au sein des organismes extérieurs, les élus du Front National ont joué de tous les biais procéduriers pour bloquer le fonctionnement de l’assemblée. Ce seul exercice a duré une bonne partie de la nuit puisque nous avons été contraints de voter à plusieurs reprises organismes par organismes. Le temps des intermèdes et des suspensions de séances permettant, malgré mon indignation, à quelques élus montagnards d’entonner l’internationale ou la varsovienne. Plus sérieusement, il était nécessaire de répondre au FN par les seules procédures possible en prenant le temps qu’il fallait pour leur faire barrage dans les organismes importants. Nous nous battrons à la prochaine séance pour faire de même concernant les représentants du conseil régional dans les conseils d’administration des lycées. La République n’est pas un régime neutre et le Front National ne doit pas la représenter, notamment dans nos établissements scolaires publics.
Nous avons enfin examiné la création des emplois de cabinet et l’attribution des véhicules de fonction. Jean-Christophe est intervenu pour demander des informations précises concernant la rémunération des 16 emplois de cabinet proposés et un état des lieux de la flotte de véhicules de fonction. Après que Carole Delga se soit engagée à donner le volume de rémunération des collaborateurs de cabinet, nous nous abstenons sur cette délibération.
A l’occasion de l’examen d’un vœu sur les gaz de schistes que nous voterons, j’en profite pour dénoncer le choix de déclaration d’irrecevabilité de notre vœu sur la déchéance de nationalité.
Enfin, Myriam Martin qui avait prévu de poser une question orale pour demander le rattachement de l’enseignement agricole à la Vice-présidence en charge de l’éducation plutôt qu’à celle de l’agriculture, ne pourra le faire. La présidente de région considérant cette question encore irrecevable. Il va y avoir à faire pour permettre le débat politique, suite au prochain épisode.
Guilhem Serieys