Qui aurait pu croire que, sous un gouvernement soit-disant socialiste, et écologiste, la question des gaz de schiste allait être remise sur la table ? Qui aurait pu croire qu’après la déclaration du Président de la République, François Hollande, avec le soutien de son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, nous serions obligé de descendre dans la rue pour sauver nos terres et empêcher les lobbies de faire leurs petites affaires ?
Et pourtant… Nous étions près d’un millier devant la préfecture, à Nîmes, hier après-midi, mobilisé-e-s suite à l’appel des maires du Gard et de l’Ardèche. Cet appel, relayé par les collectifs, associations et partis politiques, est un appel à la résistance.
En effet, cela fait plusieurs mois que nous pouvons constater que les lobbies pétroliers et même certains hommes politiques essaient de minimiser le problème de la fracturation hydraulique pour qu’enfin la porte à l’exploration, l’extraction et l’exploitation s’ouvre… A l’UMP comme au PS, on plaide pour une fracturation hydraulique dite « améliorée », voire « écologique » (qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !). C’est dans un rapport parlementairedéposé le 6 juin dernier que le sénateur Jean-Claude Lenoir et le député Christian Bataille ont relancé la polémique de l’exploitation des hydrocarbures, en prenant comme argument principal le fait que la fracturation hydraulique serait utilisée en géothermie profonde. Ce qui est totalement faux, je l’avais démontré dans ce précédent article. Ne parlons pas de la déclaration du ministre du développement productiviste, Arnaud Montebourg, qui se dit complètement favorable à cette exploitation.
Ce n’est pas tout. Si nous nous sentions jusqu’à présent protégé-e-s par la loi de juillet 2011, ce n’est plus le cas et ce, depuis que le Conseil d’Etat a renvoyé devant le Conseil Constitutionnel le 12 juillet dernier la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) qui concerne l’article 1 de la loi de celle-ci, qui interdit l’exploitation des mines d’hydrocarbure par fracturation hydraulique, et l’article 3, qui vise à abroger les permis de recherche ayant recours à cette technique. Du coup, les pétroliers en profitent pour faire pression sur le gouvernement et autres représentants de l’Etat, et certains ont même commencé à forer. C’est le cas à Jouarre, par exemple…
Hier donc, les maires de plusieurs communes du Gard et de l’Ardèche se sont vu remettre par le préfet, un rapport d’expertise du bassin d’Alès qui en arrive à la conclusion suivante : « Ces hydrocarbures peuvent être exploités suivant les moyens standard de l’industrie pétrolière, c’est-à-dire sans recourir à la fracturation hydraulique conformément à la loi 2011 – 385. Il s’agit principalement d’huile lourde à forte teneur en soufre.«
Effectivement, la société MouvOil SA, qui devait effectuer les recherches, affirmait ne pas recourir à la fracturation hydraulique, mais effectuer des recherches sismiques. Celles-ci se basent sur l’émission d’ondes acoustiques artificielles qui, réfléchies par les couches géologiques, permettraient de produire une image du sous-sol et donc d’évaluer les réserves. Concrètement, des camions de 20 à 30 tonnes parcouraient le bassin d’Alès, dans le but d’émettre des ondes acoustiques. Seulement, l’émission de celles-ci augmente le risque d’éboulements de roches dans l’eau souterraine, avec pour conséquences de polluer ces eaux. Et c’est ce qui nous attendait…
Lors de leur entretien avec le préfet, les maires des villes concernées par ce permis de recherche ont réaffirmé leur opposition déterminée à tout début de travaux. Pendant ce temps, dehors, les militant-e-s anti-gaz et huile de schiste formaient une grande chaîne humaine dansante autour de la préfecture, pour manifester leur soutien aux maires. Et c’est finalement au bout de deux heures de discussion avec les élu-e-s que le préfet décida de ne pas autoriser le passage de camions sur le bassin d’Alès.
C’est une bonne nouvelle, et étant pourtant d’humeur positive lorsqu’il s’agit de mener des luttes sociales et/ou écologiques, je n’arrive pas à m’en satisfaire, je doute, et pour tout dire, j’ai peur. Je pense, mais j’espère me tromper, que cette victoire ne soit que quelques pas en arrière pour mieux sauter. Car, ce que les gens ne savent pas, c’est que le Grand Marché Transatlantique va pouvoir permettre aux compagnies pétrolières américaines d’exploiter les gaz et huile de schiste en France, sous prétexte que l’interdiction de celle-ci est contraire à sa liberté d’investir et de commercer : « L’accord comprendra des dispositions concernant le commerce et les aspects liés à l’investissement de l’énergie et des matières premières. Les négociations devraient viser à assurer un environnement commercial ouvert, transparent et prévisible en matière d’énergie et à garantir un accès libre et durable aux matières premières.«
Tout est dit, alors… Préparons-nous et mobilisons-nous un maximum.
Julie Del Papa
Co-responsable de la Commission Écologie du PG
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Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur les gaz de schiste, je vous conseille ce film, ou encore le livre de Thomas Porcher, docteur en économie et spécialiste du pétrole, « Le mirage du gaz de schiste ».