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Résister (aussi) aux bobards

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Dégonflons l’arnaque de la semaine. Convaincue par Hollande et Ayrault, la Commission Européenne aurait donné un sursis à la France et renoncé à l’austérité.

Trois bobards dans une seule phrase. Mais d’abord un vocabulaire insupportable ! La France est-elle une délinquante pour que l’on lui accorde ainsi un « sursis » ? Cet abaissement de notre pays est ressenti par des millions de citoyens. Hollande en avait hier conscience. Vous vous souvenez peut-être qu’il s’était distingué dans la primaire socialiste en promettant d’aller plus vite dans la réduction des déficits que ne le prévoyait le programme du PS. Il avait alors juré ses grands dieux que cette politique ne lui était pas imposée de l’extérieur mais simplement conforme à l’intérêt national. Alors pourquoi se réjouit-il d’échapper aux objectifs de baisse des déficits s’il les a lui-même fixés !
La satisfaction qu’il affiche est l’aveu qu’il avait renoncé à notre souveraineté budgétaire en ratifiant le traité européen qui donne à la Commission non élue le droit de distribuer peines et sursis.

De plus, la Commission n’a pas renoncé à sa funeste politique austéritaire. Non seulement aucune des coupes budgétaires annoncées par le pouvoir PS n’a été annulée. Le projet de budget pour l’an prochain prévoit encore de généraliser les baisses de crédits, qui frapperaient des secteurs jusqu’ici épargnés. Ensuite, la Commission assortit son délai d’une condition : l’accélération des « réformes structurelles ». Il s’agit notamment de l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites. Le gouvernement en accélère docilement le calendrier ! Le sommet social chargé de l’endosser est avancé au 20 juin. Ayrault reçoit cette semaine les organisations syndicales. Il faut dire que la CFDT, favorable à une « réforme systémique » des retraites, n’est pas très chaude pour ouvrir à nouveau la voie aux projets du gouvernement. La signature de l’accord Made in MEDEF a fait de gros dégâts en interne et la direction de la confédération aimerait que Hollande assume davantage ses choix. Or ceux-ci sont économiquement, socialement et politiquement désastreux. L’allongement de la durée de cotisations fait déjà exploser le chômage des plus de 50 ans. La baisse recherchée du pouvoir d’achat des retraités percuterait l’économie (et creuserait les déficits). Et Hollande donne une fois de plus raison à Sarkozy et au MEDEF.

La fable d’un François Hollande faisant évoluer la Commission européenne relève donc de l’humour noir. Non seulement la Commission ne renonce en rien à ses lubies néolibérales. Mais de plus, Hollande court devant ce qui justifie ses surenchères. Navrant spectacle que de voir ce président qui se définit comme « le bon élève de l’Europe » allant devant la Commission comme à un oral de l’ENA chercher sa bonne note.

Nous devons en fait ce repli tactique à la résistance des peuples qui rejette les politiques austéritaires et ceux qui les incarnent. La Commission a été tétanisée par la défaite cuisante de Mario Monti en Italie, un homme qu’elle avait quasiment installé à son poste. Puis elle a été prise à revers par la décision du premier ministre libéral des Pays-Bas qui a renoncé à ses objectifs de réduction des déficits sous la pression des syndicats, tout comme à ses projets de gel des salaires dans la fonction publique ou d’assouplissement de la procédure de licenciement. Deux mesures qui trônent en bonne place dans la « boîte à outils » de François Hollande !

En Europe comme en France, une seule chose paie face à l’austérité : la résistance.

François Delapierre

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