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Congrès 2013 : Une vision ample

2013-03-22-congres-20130322_CongresPG_1083Le discours de Jean-Luc Mélenchon lors du meeting de Bordeaux, le 24 mars, a abordé les questions de l’écosocialisme, de la mer, de l’Euro-méditerranée. Des sujets dont la presse n’a pas parlé… En voici de courts extraits.

Ecosocialisme

Nous nous sommes positionnés, installés comme ce que nous sommes, par-delà toutes les différences, de sexe, de genre, de couleur de peau et de religion, comme êtres humains. (…) Nous avons conclu, en adoptant ce premier manifeste de l’écosocialisme. En dépit de toutes les tâches à accomplir, nous avons pris le temps de ce travail intellectuel parce qu’il trace une ligne d’horizon et donne du sens à chacun de nos combats particuliers. (…) L’écosocialisme tire le meilleur du passé de l’histoire progressiste et fait un bilan honnête de ce qui, dans cette histoire, ne doit pas être prolongé. (…) L’état du monde n’est pas un état de nature, c’est l’état qui résulte de l’application d’un modèle, le néolibéralisme, la finance libre, le marché partout, la compétition libre et non faussée qui ne sont que des inventions humaines. (…)

L’écosocialisme est non seulement un projet politique, mais un acte de conversion individuelle à une autre manière de vivre, à une autre culture du rapport aux autres. (…) Oui ! Nous savons que le développement illimité des forces productives n’est plus l’horizon du socialisme. Il ne suffit pas de dire qu’on va produire toujours plus, parce qu’on sait qu’en produisant toujours plus, on ne fait qu’augmenter la masse des frustrations. Il faut produire à bon escient, de bonne manière, sobrement, en mettant au centre de la vie, non pas le posséder, mais l’être ! (…)L’écosocialisme n’est pas une utopie sur laquelle le réel devrait se régler ; l’écosocialisme est la réponse concrète aux problèmes concrets que nous affrontons. L’écosocialisme est une stratégie économique. C’est par cette stratégie écosocialiste que se fera la relance de l’activité. Comment ? Il faut penser grand, il faut penser ample(…)

La Mer

Nous, les Français, du fait de l’histoire et la géographie, sommes le deuxième territoire maritime du monde. L’expansion de l’humanité en mer nous confronte à notre responsabilité. (…) Le capitalisme est déjà entré en mer ! Pour y faire des forages, pour y installer à nouveau des territoires privés où l’on ne respecte aucune norme, comme ils ne les respectent pas sur terre. Nous devons défendre l’ordre et les organisations de la biodiversité telle que nous la connaissons, parce que c’est la seule qui permet la vie humaine. (…) S’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine, alors il y a des biens communs qui ne peuvent pas être marchandisés, comme l’air, comme l’eau, mais aussi la part de la nature qui est en nous-mêmes, notre humanité, c’est-à-dire notre santé et notre droit à apprendre, parce que le droit à apprendre est une condition pour devenir un être humain. L’intuition fondamentale du communisme et du socialisme est vérifiée par l’écosocialisme. Et, s’il y a des biens communs, s’il y a un intérêt général humain, alors il faut découvrir cet intérêt général. Ce n’est pas à partir des vérités révélées que nous le ferons ; nous ne pouvons le faire qu’en confrontant des arguments. (…) L’éducation est la tâche numéro un des sociétés ; elle ne peut pas être transformée en marchandise. (…) C’est grâce à l’éducation que nous allons pouvoir régler les problèmes techniques que va nous poser notre entrée en mer et le développement de cette économie de la mer. (…)

Camarades, la mer, les océans nous donnent les clés de notre réflexion sur le futur d’une autre manière. Françaises, Français, pensez à qui vous êtes. Vous ne serez jamais des Lapons convaincants ; mais vous êtes des méditerranéens. La mer Méditerranée est une culture ; la mer Méditerranée est un espace en commun que partagent, unis par les liens du sang autant que par ceux de la culture, des peuples de religions différentes (…); la mer Méditerranée est un espace naturel sensible autour duquel, compte tenu de ce qu’elle est, se sont développés des modes civilisationnels dans lesquels est née la démocratie elle-même. Vous devez comprendre que vous êtes, Français, des euroméditerranéens (..). La mer Méditerranée est un enjeu entre les capitalistes productivistes et les peuples. (…) C’est eux qui ont commencé à vouloir faire des forages pour prélever l’énergie carbonée qui se trouve sous la mer. Et cet aspect du problème est une des composantes de la crise chypriote d’aujourd’hui. La mer Méditerranée va nous unir, elle forme un espace politique aujourd’hui le plus avancé dans la décomposition qui résulte de l’ordre néo-libéral. C’est la Grèce, qui est démolie, saccagée, pillée. (…) C’est en Italie, (…)en Espagne, (…) au Portugal (…). Et maintenant la France ! Il y a là un arc, une situation qui permet des mobilisations où se retrouvent les fondamentaux de la culture européenne.(…)

Chypre

Mes amis, un événement d’un ordre inouï s’est produit à Chypre. Il a accompli, cristallisé une tendance profonde, que nous avons mille fois expliquée (…) en pleine campagne présidentielle. (…) Nous vous disions : attention, l’Union Européenne est en train de franchir un seuil autoritaire (…).Quand on pense en français, qu’on est soucieux de liberté, d’égalité, de fraternité, ce qui constitue le cœur de l’identité française, on n’accepte une mesure pour les autres que si on l’accepterait pour soi (…). Ceux qui acceptent ce qui a été fait à Chypre l’acceptent pour demain, le cas échéant, pour la France. Je préfère dire que dans cette hypothèse et si c’est nous qui gouvernons, cela ne sera jamais accepté, quel qu’en soit le prix.

[Ainsi] parce qu’ils sont petits, on peut les accabler, les frapper, et dire : « Votre parlement, on s’en fiche ! Votre démocratie, ça n’existe pas ! » Voilà ce qu’ils ont dit au peuple chypriote. (…) Il y a un avant et un après Chypre. Ceux qui acceptent ce qui est fait à Chypre acceptent l’aliénation de la souveraineté de leur propre peuple. Nous ne l’accepterons jamais.

Euro

Amis, camarades, nous ne sommes pas en train de dire que nous proposons la sortie de l’euro (…). En sortir aujourd’hui, ce serait accepter le triomphe de l’euro Merkel, c’est-à-dire l’existence d’une zone monétaire exclusivement construite et organisée en fonction des intérêts d’une population extrêmement limitée, la clientèle électorale de la CDU-CSU qui fait la majorité du gouvernement allemand, c’est-à-dire des retraites par capitalisation. Eux ont besoin (…) d’un euro fort, celui qui nous étrangle chaque fois que les travailleurs augmentent les cadences, produisent davantage en moins de temps (…).A la place de l’euro Merkel, nous voulons l’euro des peuples, c’est-à-dire une monnaie qui nous permet de faire le salaire minimum commun dans toute l’Europe. Nicht Kapitulieren. Nous ne céderons pas.
Alors il faut pour cela aussi une nouvelle vision géopolitique. C’est pourquoi j’appelle les pouvoirs publics et les autorités de notre pays à comprendre qu’il faut contrebalancer la violence qui vient de la politique de la CDU-CSU allemande par une construction politique qui joindrait la France aux autres pays de la Méditerranée (…). »

Jean-Luc Mélenchon

Crédit photo photosdegauche.fr (octave_honorin)