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« J’ai été condamnée pour outrage contre un maire FN. C’est injuste et carrément grotesque. »

Les enseignants ont rédigé ensemble une motion, Sylvie Polinière l’a lue, elle est condamnée. Sylvie ne lâche rien. Nous la soutiendrons jusqu’au bout.

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Sylvie Polinière entourée de centaines de soutiens, le 9 mars devant le Palais de justice de Nîmes.

 

Sylvie Polinière, enseignante dans un lycée professionnel à Beaucaire, vient d’être condamnée pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique ». En juin 2014, elle avait lu une motion qualifiant le maire FN Julien Sanchez et son adjoint de « membres d’un parti raciste et xénophobe ». Pour elle, cette condamnation est incompréhensible. Elle s’explique dans l’Obs-Le Plus

Les faits remontent à juin 2014. Quelques jours après l’élection de Julien Sanchez en tant que maire de Beaucaire, un conseil d’administration s’est tenu au sein de notre établissement scolaire. C’était la première fois que nous, enseignants, étions confrontés à la présence d’un nouveau maire FN.

Avec mes collègues, syndiqués ou non, nous nous sommes réunis pour discuter de cette situation. Une décision a été prise : il n’était pas question de siéger dans un conseil d’administration en présence de Julien Sanchez.

Les valeurs du FN ne sont pas les nôtres

Comprenez bien que je n’ai aucune animosité à l’encontre de Monsieur Sanchez. Non, ce qui me dérange, c’est son appartenance au Front national.

Beaucaire est une commune défavorisée dans laquelle il y a une dense population de diverses origines. En tant qu’enseignante dans un lycée professionnel, je suis en contact quotidien avec des élèves aux origines étrangères et de tous milieux. Mon travail consiste à leur inculquer certaines valeurs, notamment celles de la laïcité et de la tolérance. L’exact contraire de ce que prône le FN.

Pour rappel, en juin 2014, Jean-Marie Le Pen venait de réitérer ses propos sur la « fournée ». Le Front national était constamment dans l’incitation à la haine raciale.

C’est pourquoi nous avons décidé de marquer le coup en montrant à la municipalité fraîchement élue que notre collaboration serait compliquée.

« Membres d’un parti raciste et xénophobe »

Les enseignants se sont donc réunis en Assemblée générale. Ce jour-là, environ 25 personnes sur 40 étaient présentes. Seuls deux se sont abstenues, mais le reste a choisi de refuser de siéger au conseil.

Ensemble, nous avons écrit une motion. Il y était inscrit que le maire de Beaucaire était « membre d’un parti raciste et xénophobe. »

Le jour du conseil d’administration, Julien Sanchez a voulu nous serrer la main. Nous avons refusé, nous sommes rentrés dans la salle. C’est alors que, entourée des six autres élus, j’ai lu le texte préparé avec soin à voix haute.

La guerre entre la CGT Educ’Action et le FN s’est ouverte.

Quand Julien Sanchez a porté plainte, j’ai cru à de l’intox

Dès le lendemain, dans une interview accordée au « Figaro », Monsieur Sanchez déclarait  que notre « comportement n’avait rien à envier à celui de racailles ». Il ajoutait que nous étions « aigris » et « sectaires ».

Choquée de lire de tels propos, je suis allée porter plainte en tant que déléguée syndicale pour « diffamation et injure publique ». Julien Sanchez a été condamné en première instance, puis relaxé en appel. La cour a jugé que les propos tenus ne dépassaient pas le cadre du débat politique. Aujourd’hui, nous attendons le jugement de la Cour de cassation.

En avril 2015, j’ai eu la grande surprise de découvrir que le maire de Beaucaire me poursuivait pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique » pour la déclarations de juin 2014 ! Pas l’ensemble des enseignants représentants du personnel, mais moi seule.

Au départ, j’ai cru qu’il essayait simplement de nous faire peur, qu’il s’agissait d’intox. J’ai eu tort.

Je suis condamnée à 1 euro de dommages et intérêts

Lors de l’audience, j’ai tenté de faire comprendre que les propos que j’avais tenus ce jour-là ne pouvaient pas m’être imputables : cette motion avait été écrite à plusieurs mains, je n’en étais que la locutrice.

Rien n’y a fait. Mercredi 9 mars, j’ai été condamnée pour outrage. Je dois verser 1 euro de dommages et intérêts, 2.000 euros de frais d’avocat à

Julien Sanchez et son adjoint et une amende de 300 euros.

Cette décision me semble complètement injuste. Mes propos ne nommaient pas directement le maire de Beaucaire ! Pourtant, quelque part, je m’attendais à un tel jugement. J’ai immédiatement fait appel.

Une condamnation grotesque

Cette condamnation est incompréhensible. J’ai l’impression que cette bataille est uniquement politique.

Si Monsieur Sanchez a été relaxé pour avoir tenu des propos qui ne « dépassaient pas le cadre du débat politique », pour quelles raisons dois-je être condamnée ? J’ai parcouru les jurisprudences, ce type de condamnation n’a rien à voir avec ce que j’ai vécu. C’est grotesque et complètement à côté de la plaque.

Certains de mes collègues sont très affectés par cette décision, ils se sentent responsables et ne comprennent pas pourquoi j’endosse, seule, toute la responsabilité.

Personnellement, j’essaye de prendre du recul. Il y a des choses bien plus graves. La vie continue. Je suis simplement écœurée par la manière de faire du Front national. J’ai vraiment le sentiment qu’on tente de museler toute forme d’opposition.

Par principe, il n’est pas question que je me laisse faire.

Propos recueillis par Louise Auvitu

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1494009-j-ai-ete-condamnee-pour-outrage-contre-un-maire-fn-c-est-injuste-et-carrement-grotesque.html