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Ils frappent la République ? Résistons avec plus de République

La République a été frappée de nouveau. En plein cœur et dans nos cœurs. Dans sa jeunesse, dans son droit au bonheur, à la fête autour d’un verre, d’un match de foot ou d’un concert, dans son droit même à la culture. Nous pleurons les 129 victimes et adressons toutes nos condoléances à l’ensemble de leurs proches. Nous pleurons les nôtres frappés aveuglément par de lâches criminels. Nous sommes toutes et tous concerné-e-s. Mais nous n’avons pas peur.

Dans l’horreur de cette sinistre soirée du 13 novembre, où les images ont défilé bien plus vite qu’on ne les réalisait, nous saluons le dévouement de la police, des pompiers, des soignants, de tous ces fonctionnaires qui n’ont pas ménagé leur peine et ont pris tant de risques pour nous sauver, pour nous protéger, pour nous soigner. Preuve de toute l’importance de nos services publics à réaffirmer aux tenants de l’austérité de l’Union Européenne et à notre gouvernement qui s’y soumet. Nous saluons également tous les anonymes, via les réseaux sociaux, qui proposaient spontanément l’hospitalité pour celles et ceux qui se trouvaient coincés dehors derrière le hashtag #porteouverte ou ont donné leur sang.

Faire peuple uni et fraternel, telle est notre première tâche hautement politique. Ils veulent nous diviser ? Démontrons-leur qu’ils n’y parviendront pas. Clamons sans relâche qu’aucun amalgame n’est acceptable entre ces fascistes et une partie de nos concitoyens, une partie des nôtres du fait de leur croyance réelle ou supposée ou de leurs origines. La religion n’a aucun rapport avec ces entreprises meurtrières. Notre peuple en est capable. Ne laissons pas la haine envahir les cœurs. Et témoignons toute notre solidarité avec nos concitoyens de confession musulmane, avec les résidents étrangers, avec les réfugiés premières cibles des amalgames non seulement du FN mais de la droite antirépublicaine qui lui court après.

Ce week-end devait être celui de notre premier Sommet Internationaliste du plan B. De fait, ces assassins nous ont empêchés de le tenir. De nombreux messages de soutien du monde entier nous sont parvenus. Nous nous sommes néanmoins retrouvés avec celles et ceux de nos invités qui étaient déjà sur Paris. Nous avons fait le serment que ce sommet aurait bien lieu et qu’il serait permanent. Défendre une nouvelle perspective géopolitique en Europe, alternative à l’austérité et aux coups d’état financiers n’est pas hors du sujet. Restaurer la démocratie et l’indépendance des peuples, vouloir avec détermination changer le cours de l’histoire de notre humanité est une nécessité aussi pour le combat contre l’idéologie fasciste de Daesh. C’est dans ces convictions internationalistes bien ancrées que nous avons rendu hommage aux victimes, en déposant des gerbes de fleurs devant les différents cafés et le Bataclan, avec Zoé Konstantopoulou (ancienne Présidente du Parlement grec), Jean-Luc Mélenchon et d’autres personnalités internationales telles que Pedro Soares et Joana Mortaga du Bloco portugais, Finghin Kelly d’Irlande, Nikolaj Villumsen du Danemark ou encore Bodo Ellmerrs d’Allemagne.

Si le temps dans lequel nous sommes est toujours celui du deuil, il est essentiel de comprendre les causes pour ne pas les aggraver par la poursuite des politiques qui en portent une grave responsabilité. Les actes monstrueux de vendredi soir ont été pensés, programmés, organisés, financés et revendiqués par Daesh. Daesh, l’enfant terrible des interventions militaires successives qui ont détruit l’Etat irakien, ont frappé la Libye, la Syrie. La montée de Daesh résulte en grande partie des logiques va t-en guerre de l’Otan dans lesquelles la France s’est fourvoyée et se fourvoie. On ne peut jouer les gendarmes du monde, déstabiliser plus encore des régions, lancer l’idéologie du choc des civilisations sans conséquences. Daesh se nourrit autant des bombardements aveugles faisant suite aux soutiens des dictatures d’hier, que de la misère consécutive à des décennies de politiques néolibérales imposant ses ajustements structurels et pillant les ressources naturelles et humaines.

Ces fascistes avaient assassiné Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi, deux dirigeants du Front Populaire Tunisien, et avaient ciblé le peuple de la révolution tunisienne, de l’assemblée constituante, le peuple qui a ouvert une voie politique nouvelle intégrant et la question sociale et la question laïque. Ils ont attaqué en Turquie la manifestation des militant-e-s HDP, la gauche turque et kurde, laïque et féministe, au moment précisément où sa progression électorale dans les urnes ouvrait également une nouvelle voie. En France ils avaient attaqué Charlie Hebdo, journal engagé symbole de la liberté d’expression, de la liberté de consciences, du droit au blasphème. Ils ont attaqué ce vendredi la jeunesse et la République française, ce régime non-neutre qui promeut l’émancipation.

La lutte contre Daesh et ses lâches assassins est une lutte militaire et politique. Pour la partie militaire, nos dirigeants vont-ils enfin prendre conscience que nos politiques géostratégiques sont totalement à revoir ? Que notre priorité ne doit pas être de renverser Bachar El Assad, aussi dictateur sanguinaire soit-il, mais de contribuer à la paix dans la région ? Il est grand temps de soutenir enfin les meilleurs combattants sur le terrain contre Daesh, les combattants kurdes qui ont remporté la victoire sur Kobané, et d’exiger de la Turquie qu’elle cesse de leur tirer dans le dos et de s’en prendre à la gauche turque, laïque, féministe et solidaire des kurdes. Il est grand temps de reprendre les relations avec la Russie et d’engager dans le cadre de l’ONU une alliance internationale qui soutiendrait l’intervention de toutes les forces régionales acceptant de combattre réellement Daesh et le terrorisme fondamentaliste.

Il faut aussi frapper Daesh financièrement. Comment accepter la venue de l’Emir du Qatar en France quand on sait l’importance de la participation de riches familles qataries aux financements passés de Daesh et aujourd’hui d’autres groupes radicaux, sans parler de leur régime?

Concernant notre sécurité intérieure, la défense de notre République nécessite plus que jamais un Etat bien présent, pour faire respecter ses lois et les faire appliquer. Or, les fonctions régaliennes de l’Etat sont à bout de souffle. Partout du terrain, policiers, gendarmes, pompiers nous alertent de l’insuffisance totale de leurs moyens humains. Ces moyens humains sont aussi essentiels aux services de renseignement, et que cesse enfin l’illusion du renseignement numérique, non seulement inopérant, mais prétexte à mettre toute la population sous surveillance. Après les dix lois anti-terroristes qui se sont succédées, nous réaffirmons notre refus de toute nouvelle restriction de nos libertés. Nous désapprouvons la prolongation de l’état d’urgence de trois mois, qui va instaurer de fait un régime permanent inacceptable. A l’approche des régionales et aussi de la COP 21, refusons que le débat démocratique et l’implication citoyenne soient entravés et confisqués par des logiques sécuritaires !

Les déclarations de François Hollande devant le Congrès confirme la complète dérive sécuritaire et autoritaire de la 5ème République. Il remet en cause le principe d’indivisibilité du peuple français, essentiel à notre code de la nationalité, en reprenant la proposition du FN sur la déchéance de la nationalité des binationaux. Mais en plus, il vient d’annoncer qu’il constitutionnalisait l’état d’urgence, sans aucun retour vers le peuple, instaurant de façon permanente un régime d’exception au détriment de nos libertés…

La réponse aux actes criminels de ce vendredi 13 novembre devrait être l’inverse. Plus de démocratie, de liberté, d’égalité et de fraternité, telle doit être notre réponse aux attaques fascistes !

Danielle Simonnet et Eric Coquerel Coordinatrice-teur politique du Parti de Gauche