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La rue piétine la loi Macron

De mémoire de syndicaliste, cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu autant de monde à l’appel des principales centrales dans les rues de Paris. Combien étions-nous au juste ce jeudi ? 120.000 manifestants selon les syndicats dans la capitale et le double ou plus en comptabilisant les 80 défilés de province. Une mobilisation exceptionnelle dont il faut apprécier l’importance à sa juste valeur. D’un côté un passage en force au 49.3 orchestré par une créature des banques d’affaires, de l’autre des centaines de milliers de personnes qui sacrifient une journée de salaire pour signifier un non sans équivoque au(x) projet(s) Macron.

Aux avant-postes du défilé parisien, un gros contingent de Radio-France avec des représentants de toutes ses catégories, y compris de ses orchestres, rappelait que l’austérité lui a littéralement coupé le sifflet depuis le 19 mars dernier. Une grève à la durée record pour la maison ronde. Suivaient des cortèges provinciaux de la CGT qui ne semblaient jamais devoir prendre fin tant ils étaient fournis. Les premiers avaient rejoint la destination de la manif aux Invalides depuis une heure déjà quand le cortège Ile-de-France de la même centrale en position de serre-file sur plaçait toujours sur la place d’Italie et que venait juste cortège FO, trois heures après le départ du défilé.

Actifs, retraités, jeunes et moins jeunes ont donc indubitablement manifesté leur opposition à Macron. Mais l’opposition n’a jamais l’heur de plaire aux médias qui soulignent toujours sentencieusement que c’est archaïque et pas constructif. S’ils ont voulu s’en donner la peine, ils ont toutefois pu voir que les propositions alternatives ne manquaient pas plus qu’à l’habitude. Un partage des richesses plutôt que l’austérité, des hausses de salaire et de pension avec effet de relance de l’emploi, un service public en quantité et qualité suffisante… Bref, « la crise c’est eux, la solution, c’est nous », les retraités du Beaujolais se déclarant clairement « en lutte pour une cuvée sociale ».

Boutade mise à part, un des autocollants les plus partagés affichait « Avec les Grecs » et en sous-titre, « pour une autre Europe » ou « contre les diktats de la finance ». Un gigantesque calicot signé des syndicats d’Ile-de-France CGT-FO-FSU-Solidaires, de plusieurs mètres carrés que nul ne pouvait ignorer dans le virage du carrefour des Gobelins annonçait son « Soutien au peuple grec. D’Athènes à Paris, dans toute l’Europe, non à l’austérité ». Une autre politique possible à l’image de l’espoir suscité par Syriza a plané sur la manif, remède à des catastrophes sociales et politiques dont le naufrage des départementales, piloté depuis la passerelle de commandement du gouvernement, a été le récent symbole. « Ça fait plaisir d’être là et de voir ça », est revenu en boucle dans les échanges entre manifestants qui espèrent dans ce jeudi le premier acte d’une remobilisation.

Jean-Luc Bertet