«

»

Un super-héros de l’oligarchie

Sans surprise, hélas, l’austérité débouche sur l’austérité. Les chiffres de l’Union Européenne publiés la semaine dernière sont accablants. Ils ont pourtant été accueillis dans l’indifférence médiatique. Une dépêche AFP fait même diversion : c’est Chypre qui « menace de ruiner les efforts de la zone euro ». Mais ce sont ces « efforts » qui ruinent la zone euro ! Le bon élève portugais voit son PIB dégringoler de 1,8% au dernier trimestre 2012. Le docteur Monti a réduit celui de son pays de 2,7% en un an. Même la vertueuse Allemagne entre en récession. Et je ne parle pas de la Grèce : -30% depuis 2009. Au total, le PIB de la zone euro a reculé de 0,6% au dernier trimestre 2012, autant qu’après la chute de Lehman Brothers en 2008.

Nous sommes au bord du gouffre. Faisons un grand pas en avant ! Le gouvernement français prévoit un nouveau tour de vis. Avant de serrer, il faut lubrifier. En France, nous n’avons ni Monti ni les envoyés de la Troïka. Mais nous avons Didier Migaud, le président de la Cour des Comptes. L’oracle a table ouverte dans les médias. Mardi dernier le voilà invité de BFM TV et dimanche du Grand Rendez-vous Europe 1-i-Télé-Le Parisien. Il reste « Migaud le discret » dans la chronique politique de France Inter. La fascination qu’il exerce sur les importants éclaire l’époque. Sa seule passion, les finances publiques ! « Avec lui, on ne sait pas si c’est blanc, on ne sait pas si c’est noir » témoigne un de ses collègues. Mi chair mi poisson : on se croirait dans une barquette Findus. « C’est l’homme de la semaine, il n’est ni de gauche ni de droite ! » roucoule Philippe Labro qui, lui, se contente d’être ni de gauche. Interchangeable, inamovible, l’homme occupe un poste public assuré jusqu’à sa retraite en 2021. Cela ne l’empêche pas d’estimer qu’il faut « inciter les chômeurs à la mobilité géographique ou à la diminution de salaire » pour retrouver un emploi. Ancien député PS, c’est le seul spécimen de cette espèce qui se pense à l’abri d’une vague électorale contraire, quand bien même aurait-il contribué à la provoquer. Il a été élu à maintes reprises. Mais ce n’est pas de ce peuple éternellement suspect qu’il a obtenu le plus de pouvoir. C’est Nicolas Sarkozy qui lui confia la présidence de la Commission des Finances de l’Assemblée puis, satisfait de son travail, le propulsa à sa fonction actuelle. Il troqua alors sa carte du PS contre un premier rôle politique sous tous les gouvernements. Il anticipait le social-libéralisme de Hollande sous Sarkozy. Il garantit que la politique austéritaire de Sarkozy continue sous Hollande.

Le président de la Cour des Comptes n’en rend à personne. Il est censé être un magistrat indépendant. En l’espèce c’est un homme très politique, très médiatique et très social-libéral. Loin de se contenter de vérifier si les deniers publics sont utilisés conformément aux décisions du législateur, il déclare, alors que le chômage explose, que « la France est malade de ses déficits publics ». Il demande d’en finir avec les hausses d’impôts mais de fiscaliser les allocations familiales. Il appelle à sabrer dans les retraites et l’assurance chômage au nom du fait que « personne ne doit être à l’écart de l’effort nécessaire pour redresser les comptes publics ». Quelques députés PS toussent. Il sort de son rôle ! Ont-ils lus la règle d’or qu’ils ont unanimement votée ? Elle institue une instance « indépendante » pour faire appliquer les engagements budgétaires du gouvernement et la confie à un certain… Didier Migaud.

François Delapierre