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Une rentrée en grande pompe

La mise en image était paraît-il l’œuvre de Claude Sérillon. L’acteur était François Hollande, nul doute sur ce point. Mais le texte des vœux présidentiels devait beaucoup au président du MEDEF, Pierre Gattaz, apparemment promis à tenir auprès du nouveau président le rôle que Parisot jouait auprès de Sarkozy, celui de véritable ministre de l’économie et des finances. Le pas de deux esquissé depuis plusieurs mois maintenant entre les dirigeants de Bercy et le MEDEF pour aboutir à une nouvelle baisse des prélèvements des entreprises fut ainsi, sous le vocable de « pacte de responsabilité », habillé de la pompe présidentielle. En matière de pompe, Hollande fait surtout penser aux Shadoks et à leur célèbre dicton « Ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir… en d’autres termes, plus ça rate et plus on a de chances que ça marche ».

Il n’y a en effet rien de plus éculé que la vieille thèse selon laquelle on créerait des emplois en abaissant le « coût du travail ». Les actionnaires du CAC 40 ont du se pincer d’une joie incrédule en l’entendant resservie en conclusion d’une année qui vit leurs dividendes battre de nouveaux records marquant un alourdissement sans précédent dans notre histoire du coût du capital. Lequel se fait au détriment des salaires et de l’investissement… donc de l’emploi. 20 milliards aux entreprises, surtout les plus grosses, sans critère ni contrepartie n’ont pas produit l’inversion promise de la courbe du chômage. Mais Hollande pompe. Ou plus exactement nous pompe car rappelons que ces vœux survinrent quatre petites heures avant la hausse de la TVA appelée à financer cette gabegie.

Nul ne peut servir deux maîtres ? D’une main, Hollande en servit trois. Gattaz dont il pompa ce soir-là le pacte de confiance en tout point identique présenté en novembre dernier. La Commission européenne, représentée par l’androïde Oli Rehn, candidat pressenti des libéraux à la présidence de la commission en mai prochain, qui exigeait il y a deux mois que la France baisse à nouveau le « coût du travail ». Enfin, l’agence de notation S&P, qui réclamait le même traitement de choc au moment où elle dégradait la note de la France. Hélas, dans cette unanimité il faut bien une victime. Ce sera le peuple.

Car comme les précédents, ces cadeaux coûteux et sans effet sur la courbe du chômage seront pris dans nos poches. Le programme annoncé est sans originalité : coupes dans les services publics, affaiblissement de la sécu notamment des allocations familiales (35 milliards payés par les cotisations patronales), gel voire baisse des salaires. C’est le cocktail détonant qui déprime l’activité et vide les carnets de commande de la grande majorité des entreprises qui ne vivent pas, elles, de l’exportation et dépendent donc de la consommation intérieure.

Une politique aussi contraire à l’intérêt du grand nombre s’impose plus aisément d’une main autoritaire. Ainsi la fiscalité des entreprises doit se décider ce mois lors d’Assises entre Bercy et le MEDEF. La question concerne pourtant le pays tout entier. Même les parlementaires PS en ont pris ombrage. C’est dire. Gattaz, lui, conditionna sa participation à l’engagement qu’elle accoucherait d’une baisse des prélèvements sur le capital. Il fut satisfait. Au cours du conseil des ministres qui suivit, Hollande plaida même pour le recours aux ordonnances. C’est ainsi que la politique austéritaire viole la souveraineté populaire et que les représentants du peuple s’effacent derrière ceux des patrons.

François Delapierre