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L’hypocrisie françafricaine atteint des sommets

François Hollande a réuni les 6 et 7 décembre 2013 à l’Elysée un Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique afin de mieux faire valoir l’importance de son action diplomatico-militaire auprès de ses pairs européens lors des prochains Conseil européen de défense et du prochain sommet UE-Afrique.

Pour leur part, plusieurs représentants africains du pré-carré n’étaient présents que pour renforcer leur image internationale et faire oublier les méfaits qu’ils infligent à leur propre peuple.

Que dit la déclaration finale ? Elle apporte un soutien aux initiatives déjà prises par l’Union Africaine en matière de forum annuel pour la sécurité et de création d’une « capacité africaine » de réponse annuelle aux crises ; c’est bien le moins ! Elle affirme une détermination à lutter contre le trafic de drogue, mais où est cette détermination alors que plusieurs pays narco-mafieux étaient représentés au Sommet, en particulier la Guinée-Bissau ? Elle s’engage pour un soutien au processus de Nouakchott sur la mise en œuvre opérationnelle de l’ « architecture africaine de paix et de sécurité » dans la région sahélo-saharienne, nouveau nom donné au déploiement des forces spéciales françaises dans la région pour protéger les intérêts de l’industrie extractive française. Elle formule également des invitations à signer divers traités que les pays africains sont tout à fait à même de signer sans qu’on leur demande.

Mais cette déclaration ne formule aucune exigence sur la question fondamentale de la démocratie réelle, c’est-à-dire basée non seulement sur des élections non-truquées, mais aussi sur un processus réel de recensement et sur un découpage électoral juste. On trouvera une simple recommandation « d’inclure les femmes dans les processus de décision politiques et économiques ». C’est bien, mais à la condition que ce ne soit pas à l’image de ce que pratique actuellement la Mauritanie en élisant des femmes aux législatives pour mieux garantir le maintien au pouvoir de la dictature en place.

Curieusement on trouve aussi deux autres chapitres dans la déclaration finale, l’un concernant le Partenariat économique et le développement, l’autre concernant le changement climatique. Car derrière la question après tout légitime de la sécurité, on voit immédiatement ressortir les intérêts économiques, auxquels a été consacrée une conférence à Bercy organisée en amont du Sommet. Et ce, à l’heure où la France perd ses parts de marché en Afrique, y compris francophone. Il s’agit de favoriser « la circulation des personnels d’affaires » mais surtout pas du citoyen lambda, de « dynamiser la coopération scientifique et technique au service de l’innovation » vieux serpent de mer qui ressurgit, mais désormais clairement au service du business, le « développement durable » sans que l’on sache ce que cela signifie, le tout noyé par des considérations éhontées sur la transparence de ce qui ne l’est pas.

Enfin concernant le changement climatique, la France est prête à tout pour réussir la Conférence de Paris en 2015 et donc à promouvoir, ce qu’elle fait peu pour elle-même, les énergies renouvelables dont « l’Afrique dispose (en) énorme potentiel ». Derrière une intention louable, se cache en fait un simple engagement à aider les pays africains qui le souhaitent à accéder aux ressources financières et à veiller à ce que les projets économiques en Afrique soient « résilients aux impacts du changement climatique ».

Que d’hypocrisies et de manigances pour un résultat aussi vain ! Cette déclaration est une trahison des combats pour l’émancipation de nos camarades africains.

Vive la révolution citoyenne et souveraine en Afrique !

Pierre Boutry