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E.ON, courrier adressé aux élus

 

Notre comité a dernièrement adressé un courrier tous les élus des cantons cévenols des communautés de communes du pays viganais de l’Aigoual et des cévennes gangeoises et suménoises et même un peu au delà au sujet du projet E.ON et de son impact sur les Cévennes entre autres.

Ci-dessous le contenu de ce courrier.

A votre tour n’hésitez pas à interpeller vos élus !

 

«  Vous avez sans doute été interpellé(e)s dernièrement à propos d’un projet d’exploitation de la châtaigneraie en vue d’approvisionner la centrale électrique de Gardanne (Bouches-du-Rhône).

Pour rappel, et brièvement :

L’entreprise  E.ON, 3ème groupe mondial de la distribution d’énergie basé en Allemagne a décidé de convertir une des tranches de sa centrale à charbon de Gardanne en centrale à « biomasse », c’est-à-dire fonctionnant à partir de produits renouvelables (déchets verts, bois de rebut, ressources forestières).

Cette orientation s’inscrit dans le cadre du Grenelle de l’Environnement et des directives Européennes visant à réduire les émissions de CO2, importantes pour les centrales à charbon.

Le groupe peut prétendre, dans ce cadre à des aides du gouvernement (prix d’achat de l’électricité garanti pour 20 ans).

La tranche « biomasse » de Gardanne, assez importante (150 MW), va nécessiter à terme 900 000 à 1 millions de tonnes de biomasse par an, dont la moitié provenant de la ressource forestière.

Des « zones d’approvisionnement prioritaires » ont été déterminées principalement selontrois critères :

          la distance (dans un rayon de 400 km autour de Gardanne)

          ne pas rentrer en concurrence avec un marché déjà existant (surfaces déjà exploitées pour du bois d’œuvre ou bois d’industrie)

          le volume présumé exploitable à l’hectare qui doit être conséquent afin de rester compétitif en matière de rentabilité (faible valeur d’achat des produits).

C’est ainsi que la châtaigneraie cévenole a été « ciblée » en tenant compte également du fort pouvoir calorifique de cette essence.

Des réunions d’information ont eu lieu actuellement sur le territoire Aigoual/Cévennes : la première en mai 2013 à St-Hyppolite-du-Fort à destination des propriétaires privés et une intervention tout public au Salon du bois du Vigan le 21 septembre dernier.

Nous venons vous interpeller aujourd’hui car ce projet nous paraît dangereux à plus d’un titre :

          la zone ciblée concerne principalement des petits propriétaires privés non structurés qui ont peu de connaissances forestières et risquent de s’engager inconsidérément sans aucune garantie de revenu, ni de qualité du travail d’exploitation, gage d’une conservation durable de la châtaigneraie.

          la zone ciblée est une zone assez difficile d’accès et peu équipée en infrastructures (pistes, place à dépôt,…) ; les travaux pour y remédier peuvent s’avérer importants, couteux, et impacter le paysage cévenol, atout important pour l’économie touristique.

          de même pour les exploitations dans le cas où de grandes superficies sont réalisées au même endroit (coupes « à blanc »)

          les volumes annoncés, qui certes, ne représentent qu’environ 1/3 de la production estimée de la châtaigneraie cévenole « exploitable » (1), peuvent s’avérer énormes et préjudiciables à la pérennité du milieu, s’ils sont prélevés sans aucune règle et concentrés sur les zones les plus facilement accessibles.

Aussi il nous parait important au minimum de ne pas laisser les propriétaires privés seuls devant les propositions d’E.ON et d’organiser partout des structures coopératives ou associatives, afin qu’ils puissent défendre au mieux leurs intérêts et exiger un minimum de prescriptions environnementales pour les exploitations. La mise à l’étude d’une charte encadrant l’exploitation de la châtaigneraie cévenole pourrait être prise en charge par les collectivités et soumise aux propriétaires forestiers.

 

Par ailleurs, il nous semble complètement illogique pour un projet qui se veut « modèle » en matière de préservation de l’environnement et subventionné au titre du Grenelle de l’environnement, d’exporter cette matière première renouvelable à plus de 200 km pour l’utiliser avec un rendement de 40 % (2) !

Enfin si on raisonne en matière de valorisation d’une ressource locale, on peut se demander quelles en seront les retombées pour notre région et ses habitants ?

Quelques propriétaires auront (peut-être ?) encaissé quelques dividendes ; avec un peu de chance, un exploitant forestier pourra monter son entreprise sur cette activité (au mieux 4 à 5 emplois) ; peut-être un transporteur ? (mais il y a de fortes chances pour que celui-ci vienne plutôt du bassin de Gardanne qui est déjà très équipé dans ce domaine)…

En conséquence, c’est autant de matière première qui pourrait être utilisée localement dans des chaufferies bois ou centrales à cogénération (produisant de la chaleur et de l’électricité) au profit des habitants, ce qui limiterait leurs dépenses énergétiques, qui va partir pour le seul profit d’une multinationale… et de ses actionnaires.

Ainsi cette filière de développement de l’utilisation du bois énergie, très porteuse et prometteuse en ce moment, qui pourrait amener des emplois locaux, se trouvera complètement verrouillée et bloquée, faute de matière première…

Bien sûr, la création de tels équipements ne se fait pas du jour au lendemain mais nous ne sommes pas non plus au temps des balbutiements et nombre de communauté de communes, voire commune tout simplement, ont déjà fait le choix d’investir dans de tels projets, ou au minimum d’impulser des structures fédérant divers intervenants privés, avec succès et pour le mieux-être de toute la population…(3)

Ces projets peuvent par ailleurs être soutenus par la Région, l’État,…(4)

Pensez-vous qu’il est plus juste que l’État aide des groupes internationaux comme E.ON, qui va utiliser son bénéfice principalement au-delà de nos frontières ou pour des actionnaires privés, plutôt que de soutenir des collectivités locales pour le développement économique de leur territoire?

Pour le Parti de Gauche, l’énergie est un droit universel pour chaque être humain ; son accès doit être garanti à tous et pour cela rester du ressort de la puissance publique et non livré aux intérêts du marché.

Aussi nous vous demandons instamment de tout faire pour influer dans ce sens la politique énergétique du territoire, garant de plus d’équité auprès de vos concitoyens.

Nous tenons à votre disposition, si vous le souhaitez, les documents mentionnés ci-dessous* « 

 

(1)    source CRPF Gard

(2)    chiffres donnés par le représentant de la société E.ON au Salon du Bois du Vigan : le transport représente 30 % du coût et le rendement énergétique de la centrale est de 41 %.

(3)    Voir les réalisations de chaudières collectives dans le PNR du Lubéron ; idem dans le PNR du Gâtinais

(4)    « Appel à projet 2013 – Approvisionnement bois énergie » ADEME, Région, Europe.

* Mode d’emploi  de création de chaufferie ou plateforme de stockage ; statuts types d’une association de propriétaires forestiers