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Pacte d’Avenir Bretagne

Le gouvernement de François Hollande propose un « pacte d’avenir » pour la Bretagne qu’il annonce discuter avec les acteurs économiques, sociaux et politiques. On nous explique que ce pacte serait une réponse à la crise de l’agro-alimentaire qui secoue la Bretagne. Mais ce pacte est jugé insuffisant tant par les syndicats que par les associations de défense de l’environnement.
Pour le Parti de Gauche, non seulement il est insuffisant, mais ce pacte est dangereux. En visant à remettre en cause la réglementation nationale en matière sociale et écologique, ce « pacte » est un cheval de Troie libéral et productiviste. En ne tenant aucun compte des enjeux écologiques, sociaux et économiques, il propose les vieilles recettes qui ont conduit à la crise que la Bretagne connaît actuellement.

Ce pacte ne répond pas aux situations d’urgence des salariés. Il n’assure pas le maintien transitoire de l’activité des entreprises. Il ne permet pas, non plus, une réelle reconversion professionnelle des salariés, la durée d’un an des CSP est tout juste bonne à défaire les collectifs de lutte des travailleurs et mettre leur détresse à distance des médias. Enfin, rien sur les possibilités de reprise des entreprises par les salariés sous forme coopérative ou sur des aides publiques d’Etat via une banque publique à direction des PME et artisans.

Nous dénonçons aussi l’impasse dans laquelle nous mène ce pacte. En choisissant de maintenir le modèle agro-alimentaire intensif, à faible valeur ajoutée, visant la « compétitivité » à tout prix et créant une concurrence insupportable de produits à bas prix pour les paysans du Sud sur leurs propres marchés nationaux, il aggravera encore la dégradation de l’environnement et des conditions de travail. Il promet de nouvelles crises encore plus graves que celle que nous traversons.

En réalité, ce sont les « bonnets rouges » et leurs leaders patronaux et libéraux qui, après avoir imposé leurs mots d’ordre, essayent d’imposer leurs solutions mortifères.
Pour répondre à l’urgence sociale, nous demandons un moratoire sur tous les plans de licenciements avec le maintien transitoire des activités économiques des entreprises en difficulté. Nous proposons un droit de véto aux salariés, la mise sous tutelle et la recapitalisation éventuelle par l’État, la facilitation des reprises par les salariés sous forme coopérative, et un réel plan de reconversion professionnelle pour les salariés.

Pour créer des emplois ici et là-bas, la Bretagne a la possibilité de relocaliser et réorienter son agriculture sur un modèle respectueux des personnes et de leur environnement. Pour cela il est nécessaire de soutenir, structurer et développer :

  • les coopératives paysannes, ouvrières et de      consommateurs,
  • l’agriculture biologique,
  • la relocalisation des productions fourragères, et      notamment de la production de protéines végétales (en alternative au soja      OGM)
  • les circuits courts de qualité permettant une      juste rémunération du travail paysan et des salariés, notamment par les      commandes prioritaires de la restauration collective,
  • La production d’énergies à partir de      sous-produits ou de déchets, méthane, bois…,
  • des mesures d’inversion de la concentration de la      production (abaissement du seuil des élevages porcins, superficie maximale      d’exploitation, taille maximale des élevages) permettant l’accès aux      terres pour les nouveaux agriculteurs,
  • les abattoirs locaux et entreprises de      transformation secondaire (charcuterie, produits laitiers, boissons…).

Il est également indispensable que le gouvernement et le Ministre de l’agriculture agissent beaucoup plus fortement en faveur de la réorientation des aides de la politique agricole commune (PAC) au niveau européen afin que celles-ci aillent en priorité à ceux qui en ont le plus besoin.
Avec 5% d’agriculteurs et un tiers de salariés de l’industrie travaillant dans l’agro-alimentaire, la seule reconversion écologique de l’agriculture ne sera cependant pas suffisante pour permette le travail pour tous.

La Bretagne doit aussi prendre pleinement conscience de la richesse de son territoire maritime. Encore une fois sur ce point le pacte est insuffisant et incohérent en ne proposant que des mesurettes de circonstance. La France est le deuxième territoire maritime du monde, la Bretagne représente un tiers du littoral français ! De plus la région dispose de hauts niveaux de savoir-faire et connaissances en la matière. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et défendre l’intérêt général, sans se réfugier derrière le secteur privé ou les partenariats public-privé. Il doit élaborer un plan mettant en dynamique l’ensemble des enjeux de la mer, en coordination et cohérence sur l’ensemble du territoire, DOM TOM inclus. Nous avons la possibilité d’être leader mondial sur les filières maritimes et de défense de l’écosystème marin, et de créer ainsi de nombreux emplois.Pour cela il est nécessaire de :

  • développer les formations qualifiantes,
  • intensifier la recherche publique,
  • valoriser la richesse de l’écosystème notamment      par l’exploitation des algues en matière énergétique, alimentaire,      pharmaceutique…
  • défendre et préserver le littoral, et développer      l’écotourisme sur nos côtes,
  • développer des bases portuaires de différentes      tailles pour permettre notamment le cabotage à la voile,
  • développer la multimodalité du transport de      marchandises par l’aménagement portuaire,
  • établir un plan massif d’investissement en      recherche et construction pour les énergies marines renouvelables,
  • valoriser la construction / déconstruction et la      réparation navale civile,
  • réorganiser la filière pêche au profit des      petites exploitations respectueuses de l’environnement, dans un milieu      protégé par la rotation des zones de pêche.

Enfin il est important de souligner que la filière agricole sera très lourdement affectée par les accords de libre échange, comme celui entre l’Union européenne et le Canada ou le grand marché transatlantique en cours de négociation avec les États-Unis dont nous demandons l’abandon.
En conséquence, nous demandons la mise en place immédiate de réelles mesures d’urgence sociale et à refuser de signer ce « pacte ». Le report de celui-ci doit permettre au gouvernement Ayrault de prendre ses responsabilités et de mettre autour de la table les syndicats, les associations de défense de l’environnement, les représentants du monde rural et paysan, la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, les représentants de la ruralité et les acteurs économiques et politiques pour construire un véritable pacte écosocialiste pour la Bretagne.

Si il ne sait pas le faire, nous on peut !

Mathieu Agostini, Julien Delbende, Laurent Levard, Corinne Morel Darleux