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ESS : le compte n’y est pas

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Vient de s’ouvrir au Sénat le débat sur le projet de loi Hamon en faveur de l’économie sociale et solidaire. Si celui-ci a le mérite de donner un coup de projecteur sur les pratiques de ce secteur alternatif de l’économie, il fait fi des fondamentaux qui en forment le socle historique, comme levier de transformation sociale et écologique.

Sous prétexte d’ouvrir la porte à des entrepreneurs qui mènent une activité à caractère social, le projet de loi élargit le périmètre du secteur à des sociétés commerciales, qui ne respectent pas le principe élémentaire de la démocratie sociale, « une personne égale une voix ». Il fait ainsi l’impasse totale sur le fonctionnement des mutuelles et des associations, dans lesquelles les salariés n’ont souvent pas plus de droits que dans n’importe quelle autre entreprise du secteur privé. Se trouvent ainsi légitimés et, pire encore, éligibles au soutien de l’Etat, les praticiens du social business, qui font de la pauvreté une niche de marché.

Benoît Hamon, ministre de l’Économie sociale et solidaire, a par ailleurs rejeté notre proposition d’un droit de préemption aux salariés pour la reprise en coopérative de leur entreprise en passe d’être cédée. Au nom de la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée », il entérine de fait le cadre de la compétition libérale entre les mutuelles, entre les associations, entre les coopératives.

L’économie sociale et solidaire est pourtant un ensemble de statuts et de pratiques alternatives qui permettent de préfigurer l’entreprise de demain, dans laquelle l’investisseur privé collectif ou public, le salarié, l’usager et le client se retrouvent à égalité de pouvoir dans la gestion de l’activité. A ce titre, les statuts de SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) sont porteurs d’une nouvelle alliance entre le secteur public et les acteurs de l’ESS.

L’économie sociale et solidaire n’est pas un « tiers-secteur » sympathique pour les activités non rentables, comme le laisse entendre le projet de loi Hamon. C’est un outil à la disposition des travailleurs et des consommateurs qui veulent reprendre le pouvoir sur leur économie.

Une loi utile aurait intégré un véritable droit de préemption pour la reprise en coopérative par les salariés. Elle aurait soumis l’appartenance au secteur de l’ESS à un double engagement des structures candidates à mettre en œuvre à la fois un fonctionnement démocratique et des finalités sociales et écologiques.

François Longérinas, Jean-Luc Varin