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Vive l’impôt… républicain

Au cimetière des promesses enterrées de Hollande, nos pensées se tournent cette semaine vers sa grande réforme fiscale. Cet engagement promis les yeux dans les yeux aux électeurs fut prématurément fossoyé par Cahuzac en plein Mots croisés face à Jean-Luc Mélenchon : « la réforme fiscale ? Elle est faite ! ».

Cette fois, l’ancien ministre du budget disait peut-être vrai. Mais il ne faut parler ni de réforme ni de révolution. C’est une contre-révolution fiscale qu’opère ce gouvernement. Le traité européen ratifié par Hollande instaure d’abord le contrôle du budget de la Nation par la Commission européenne, assistée d’une bureaucratie non élue au sommet de laquelle trône en France le député repenti Didier Migaud, président de la Cour des Comptes et du Haut Conseil des finances publiques mis en place pour appliquer la fumeuse « règle d’or ». Ensuite, la fiscalité du pays est redessinée au gré du poids des intérêts particuliers sans que jamais l’intérêt général n’ait le dessus. Cela commença avec la taxation des plus-values quand le gouvernement céda devant un vol de pigeons sur Facebook. Et cela finit, provisoirement, avec la hausse de la TVA pour tous au 1er janvier prochain. Enfin, nous avons vu Moscovici promettre dans une réunion du MEDEF que le crédit d’impôt de 20 milliards d’euros offert aux entreprises sans contrepartie ne donnerait lieu à aucun contrôle fiscal. Une première.

Dans une tribune pour la révolution fiscale, le candidat Hollande estimait que « le risque serait la continuité, la chance, c’est le changement ». Il est le président de la continuité fiscale, jusque dans les détails. Il a par exemple repris tel quel le dispositif de collecte de l’écotaxe prévu par ses prédécesseurs. Pour la première fois depuis la Révolution française, une entreprise privée sera chargée de collecter l’impôt. Elle récupèrera même 20% des taxes prélevées.

Regardons le tableau d’ensemble. Un impôt parfois prélevé par des groupes privés, fraudé en toute impunité, dont une bonne part sert à payer les intérêts des banques -on nous le répète assez-, qui abonde un budget imposé par Bruxelles. Que faut-il de plus pour saper la légitimité de l’impôt dans le pays qui inventa la souveraineté budgétaire et l’impôt progressif ? Regardez ce qui se passe chez les peuples soumis au joug austéritaire. En Espagne, un refus de la solidarité fiscale monte des régions riches et disloque le pays. En Grèce, le mouvement « nous ne paierons pas » organisa la grève contre des impôts devenus un tribut payé aux banques.

En France, la délégitimation de l’impôt est exploitée par les responsables de l’injustice fiscale eux-mêmes. Moscovici se fait l’avocat du « ras-le-bol fiscal »… que sa politique produit. Le MEDEF dénonce un matraquage… opéré pour financer les cadeaux qui lui sont faits ! Face à leur offensive, il faut certes défendre l’impôt. Mais l’impôt républicain et non celui qui « saigne le malheureux » comme le dit la chanson. L’impôt est efficace quand il est légitime, donc au service de l’intérêt général, progressif car lié aux facultés contributives de chacun, décidé par des représentants élus et collecté par des fonctionnaires impartiaux.

Le mouvement contre l’impôt a aujourd’hui son épicentre en Bretagne et se trouve sous l’emprise de la droite et du patronat. Leurs slogans dénoncent pêle-mêle l’impôt, l’inspection du travail et l’indivisibilité de la République. Quoi qu’en pense Hollande, il faudra donc faire la révolution fiscale. Car pour l’emporter face à un mouvement réactionnaire, il faut une politique révolutionnaire.

François Delapierre, Secrétaire national du Parti de Gauche